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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/161

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J’avais déjà descendu quatre marches lorsque le vieux Louis me rappela d’un air effaré en s’écriant :

— Martin… écoutez donc !… Ah ! mon Dieu, j’avais encore oublié cela…

— Quoi donc, Monsieur Louis ?

— Et surtout… surtout… recommandez bien à maître Johnson (c’était le premier cocher du prince), recommandez-lui bien, s’il l’oubliait, ce que je ne crois pas, il a servi dans de trop bonnes maisons pour cela, de lever, lorsque vous serez monté, les persiennes de la voiture par-dessus les glaces des portières, absolument comme lorsqu’il revient à vide.

— Et pourquoi donc cela, Monsieur Louis ? — ajoutai-je, curieux de savoir la cause de cette autre coutume d’étiquette sans doute.

— Parce que, lorsque l’on voit levées les persiennes d’une voiture et qu’il n’y a pas de valet de pied derrière, cela signifie que les maîtres ne sont pas dans le carrosse. Comprenez-vous… l’importance de la chose ?

— Certainement, Monsieur Louis, et je ne l’oublierai pas, — dis-je en descendant rapidement l’escalier, pendant que, penché sur la rampe et faisant de ses deux mains un porte-voix, Louis me répétait à demi-voix :

— Et surtout… asseyez-vous sur le devant.

— Oui, monsieur Louis, — lui dis-je aussi à demi-voix, et je me dirigeai vers les écuries.

La berline était attelée, les palefreniers veillaient à la tête des chevaux, car Monsieur le premier cocher n’attelait jamais lui-même, et ne montait sur son siège qu’au dernier moment. Du reste, Monsieur Johnson, en véritable cocher anglais, était, ainsi que l’avait prévu le vieux Louis, scrupuleux observateur de l’étiquette ; je n’eus besoin de lui faire aucune recommandation, car, apprenant que je montais dans la berline, il ordonna aussitôt à l’un de ses gens d’écurie de lever les persiennes. Ceci fait, l’un des palefreniers lui remit son fouet, l’autre les guides, jusqu’alors repliées sur l’une des sellettes des harnais, et l’important personnage, presque aussi gros que Monsieur Dumolard, et dont la large face rubiconde était encadrée d’une perruque blanche à boudins, monta pesamment sur son siège, et nous partîmes pour le faubourg du Roule, où demeurait Monsieur de Noirlieu.

Du reste, fidèle à mon devoir, je m’assis consciencieusement sur