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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/171

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— Régina… vous m’effrayez… est-ce du délire ?… mon Dieu !…

— Non, ce n’est pas du délire… mon mari m’aime… comprenez-vous maintenant ?

— Il vous aime ! — dit Just comme s’il n’avait pu croire à ce qu’il entendait.

— Oui… il m’a toujours aimée, toujours passionnément aimée…

— Lui ! — s’écria Just avec une expression de doute amer.

— Ah ! j’ai fait tout au monde pour ne pas le croire… allez !… — s’écria Régina ; — mais comment résister à ses larmes, à ses aveux si… écrasants pour lui… et pourtant… touchants à force de franchise et de repentir… comment ne pas croire à son accablement, à son désespoir si vrai… à sa résignation si navrante ; comment ne pas croire ?… Eh ! mon Dieu, Just ! à quoi bon vous dire tout cela ?… il fallait bien qu’il fût sincère… Je tremblais d’être convaincue et je le suis…

Il y eut un nouveau silence…

Just reprit le premier la parole.

— Et qu’exige M. de Montbar ?

— Il n’exige rien… il ne demande rien… il supplie… voilà tout… Oui… après le service immense qu’il m’a rendu… oui, après m’avoir convaincue, prouvé qu’il m’a tendrement aimée… il implore… Hélas ! c’est là sa force…

— Et que demande-t-il ? — reprit Just d’une voix altérée.

— Il me supplie… de me laisser aimer, de lui laisser l’espoir. de regagner mon amour… « Si cette tentative est vaine, — m’a-t-il dit, — eh bien ! mon sort s’accomplira… vous n’entendrez jamais parler de moi… et vous userez alors de cette liberté que je vous rends aujourd’hui ; car, entendez-moi bien, Régina, — a-t-il ajouté, — quoi qu’il arrive, quoi que vous décidiez.. vous êtes libre… absolument libre… je ne vous demande rien au nom de mes droits… Je les ai perdus… Si j’ose, une dernière fois, vous implorer, c’est au nom de mon amour… c’est au nom de ce que j’ai souffert, de ce que je souffre… » — Voilà ce qu’il m’a dit, et tout cela… je le crois… Je n’ai rien promis… mais j’ai juré à mon mari que je n’oublierais jamais les devoirs que ma reconnaissance m’imposait. Maintenant, Just, c’est à vous que je m’adresse : que faut-il faire ? que voulez-vous que nous fassions ?

— Régina… — lui dit Just avec un accent passionné, — Régina… m’aimes-tu ?