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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/173

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luptueux enivrements dont la pensée seule nous bouleverse… nous nous reposerons dans les doux épanchements de deux âmes pleines de fraîcheur et de sérénité… Oh ! viens… viens, Régina, viens… nous ne serons pas entourés de ces splendeurs qui souvent te pèsent… Mais nous serons riches de bonheur ! Oh ! mais riches… à rendre heureux tout un monde… Et si un jour tu as quelques ressouvenirs de ton opulence passée… tu diras un mot… mon travail, mon intelligence te créeront des trésors… Mais purs ceux-là comme la source où je les aurai puisés… mais glorieux ceux-là et pour moi et pour toi… Oh ! viens, mon ange… viens, te dis-je… nous ne nous appartenons plus… tu es à moi… comme je suis à toi !

— Grâce… Just… grâce… mais pensez donc… mon Dieu !

— À quoi ? voyons ? pauvre généreuse… ton mari a vengé la mémoire de ta mère. C’est bien… c’est beau… il a fait son devoir d’homme d’honneur. J’ai été le premier à te le dire : tu ne serais pas seule à être reconnaissante envers lui ; mais qu’est-ce que cela fait à notre amour ?

— Mais il m’aime… mais il souffre ! mais il est malheureux… lui !

— Il t’aime ! — s’écria Just, — il t’aime ! Comment ! pendant une année il t’a délaissée, il t’a accablée de ses froids dédains, il t’a incurablement blessée au cœur… toi qu’il aurait dû bénir… adorer à genoux… et un jour, voyant que, par sa faute, il a perdu cette noble et vaillante affection, dont tu lui as donné tant de preuves, il lui prend la fantaisie de venir te dire qu’il t’aime encore ? et tu le croirais ?

— Il dit vrai, Just… je vous le jure… par ma mère, il dit vrai… S’il m’était permis de vous confier… son secret… vous verriez que, inexplicable en apparence, ce malheureux amour… n’est que trop réel…

— Et mon amour à moi, n’est-il pas réel aussi ? n’ai-je pas aussi bien souffert, l’as-tu oublié ? Ce départ si déchirant que tu m’as imposé, je m’y suis résigné… tu m’as dit : reviens… Je suis revenu… Plus tard, lorsque tous deux nous avons si souvent eu à lutter contre les entraînements de notre passion, combien de fois ne m’as-tu pas dit d’une voix mourante, lorsque éperdu, brisé, pleurant, je tombais à tes pieds :

— Oh ! mon Just, c’est généreux à toi d’écouter ma prière : de me respecter ! — disais-tu. — Car, hélas ! je t’adore, je suis sans