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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/178

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Régina ne devait pas s’attendre à cette nouvelle visite de son père, en ce moment surtout bien inopportune.

Mais que faire ?

Dire ma maîtresse absente ?…

Mensonge inutile… M. de Noirlieu l’eût attendue… car, je n’en pouvais douter, à l’expression de bonheur impatient, je dirais presque de bonheur avide, que je lus sur les traits du vieillard, je devinai que sa tendresse paternelle n’avait pas été assouvie par la visite du matin.

— Ma fille… est chez elle ? — me demanda M. de Noirlieu.

— Oui, Monsieur le baron, — ai-je répondu, réfléchissant que la moindre hésitation de ma part, jointe à la présence assez étrange de Just chez la princesse à une pareille heure (il était près de huit heures du soir) pouvaient donner à M. de Noirlieu de fâcheux soupçons.

Ouvrant donc aussi bruyamment que possible la porte du premier salon, afin d’éveiller l’attention de Régina, j’ai précédé le baron, et avant d’arriver au parloir, j’ai toussé plusieurs fois.

Grâce à ces précautions, lorsque j’ai soulevé les portières, j’ai trouvé Régina et Just en apparence calmes, contenus.

La princesse m’a dit vivement, d’une voix sévère :

— Je vous avais défendu de…

— Monsieur le baron de Noirlieu… — me suis-je hâté de répondre en interrompant Régina.

— Mon père !… — s’est-elle écriée.

Puis elle a dit tout bas à Just :

— Nous l’avions oublié… Ah ! c’est notre punition…

Au moment où la princesse disait ces derniers mots, M. de Noirlieu entra.

Il s’avança d’abord vers sa fille, l’embrassa tendrement à plusieurs reprises, et lui dit :

— Mon enfant… c’est encore moi. Que veux-tu ! je ne t’ai vue que deux heures ce matin.

M. de Noirlieu s’interrompit, et remarquant seulement alors la présence de Just, il fit un mouvement de surprise.

Régina lui dit d’une voix assez tranquille :

— Mon père… Monsieur Just Clément…

Just s’inclina devant M. de Noirlieu.

Celui-ci reprit avec beaucoup d’affabilité :