Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je suis doublement heureux, Monsieur, d’avoir l’honneur de vous rencontrer chez ma fille, car j’ai bien souvent entendu prononcer votre nom avec toute la considération qu’il mérite. M. votre père était un des hommes que nous aimions… que nous estimions le plus au monde.

— C’est au bon souvenir que vous avez bien voulu, Monsieur, conserver de mon père, que j’attribue un accueil si obligeant, et dont je voudrais seulement être plus digne, — répondit Just avec déférence à M. de Noirlieu.

Puis le capitaine fit sans doute un pas pour se retirer discrètement, car j’entendis Régina lui dire d’une voix légèrement altérée, malgré la contrainte que s’imposait la malheureuse femme :

À bientôt… j’espère, Monsieur Clément !

Il y avait dans l’accent de Régina, en prononçant ce seul mot :

À bientôt…

Le seul qu’elle pût dire en présence de son père… quelque chose de si suppliant, de si navrant… que les larmes me sont venues aux yeux.

Sans doute Just répondit à la princesse en s’inclinant respectueusement, car aucune parole n’était venue jusqu’à moi lorsque le capitaine sortit du parloir.

Presque au même instant j’entendis M. de Noirlieu dire à sa fille en parlant du capitaine Clément :

— Il est charmant.

Just passa rapidement devant moi, sans doute si absorbé qu’il ne m’aperçut pas.

Je le suivis.

Une fois dans le salon d’attente, il s’arrêta, ayant l’air de chercher quelqu’un du regard.

Au bruit que je fis en fermant la porte, il se retourna vers moi, et me dit :

— Ah ! vous voilà Martin… je vous cherchais.

Puis après un instant de silence :

— Dites-moi, avez-vous là de quoi écrire un mot ?… J’ai oublié… de donner à Madame de Montbar… une adresse qu’elle m’avait demandée… et, de crainte d’être indiscret, je ne voudrais pas retourner chez elle… M. Noirlieu étant là…

— Voilà ce qu’il vous faut pour écrire, Monsieur Just, — lui dis-je. Et je lui montrai sur ma table du papier, de l’encre et des plumes