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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/197

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mais nécessaires à la consécration de leur amour qu’elles devaient rendre pur de tout remords, ces épreuves dont tous deux sont si glorieusement sortis, je les ai suggérées dans l’intérêt même de leur tendresse, de sa grandeur et de sa dignité. »

Et c’est à ce moment que je quitterais Régina, après avoir eu si longtemps sous les yeux le spectacle désolant de sa tristesse, de ses malheurs !

Non… non… s’il m’est dû quelque récompense… telle sera la mienne, — la vue de cette félicité — à laquelle j’ai contribué de toutes les forces de mon dévouement ignoré… et qui doit l’être toujours.

Non… d’ici à quelque temps… si elle y consent du moins, je ne quitterai pas Régina…

Et si plus tard… cette douce et dangereuse habitude de vivre près de Madame de Montbar s’est tellement incarnée en moi, que je ne puisse m’y soustraire ; si, s’accoutumant à me regarder comme un de ces bons et fidèles serviteurs dont on ne se sépare plus… la princesse me dit quelque jour :

Martin… vous ne me quitterez jamais, n’est-ce pas ?

Comment la refuser ? Le vœu de mon cœur ne sera que trop d’accord avec sa demande…

Et alors ma vie se passera dans une domesticité stérile, égoïste, sans rien qui la relève… car du moins jusqu’ici cette domesticité m’a permis de rendre à Régina des services que je n’aurais pu lui rendre dans une autre condition sociale. Mais ma tâche est accomplie… Mis au-dessus du besoin par la générosité du docteur Clément, ma vie ne peut-elle… ne doit-elle pas avoir un but plus élevé, plus utile… plus profitable à mes frères en humanité, comme disait mon bienfaiteur ?

Pas de faiblesse ; je consulterai Claude Gérard… Sa mâle et tendre parole me guidera encore une fois.

Qu’il soit béni du moins ; car c’est à lui que j’ai dû d’appliquer à mon humble condition cette maxime si souvent pratiquée et répétée par lui :

Il n’est pas de position, si infime qu’elle soit, où l’homme de cœur ne puisse faire acte de dignité…