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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/201

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pour la séduire, la délaisser ensuite, et lui faire plus tard enlever son enfant, afin de se débarrasser des exigeantes réclamations de cette mère qu’il abandonnait lâchement, la sachant réduite aux faibles ressources d’un travail opiniâtre.

Martin arrivait à Paris…

Encore des noms qui résonnaient dans la mémoire du comte Duriveau :

Régina,

Robert de Mareuil,

Le prince de Montbar

Et plus tard cette scène des Funambules, où le comte assistait avec son fils, scène d’où datait, pour ainsi dire, la haine incurable de Basquine contre Scipion et — ceux de sa race oisive et méchante, — avait dit la jeune fille.

Plus tard c’était le séjour de Martin chez le docteur Clément… puis les recommandations du docteur qui, près de mourir, chargeait Martin de veiller sur Régina, qu’il savait menacée de l’implacable vengeance de M. Duriveau…

Les pressentiments du docteur ne l’avaient pas trompé… Martin ne faillissait pas à la mission que son maître mourant lui avait confiée ; il envoyait un sauveur à Régina prise au piège tendu par le comte, dans la maison déserte de la rue du Marché-Vieux.

Ce sauveur… c’était Just Clément… qui devait s cruellement châtier l’infâme conduite de M. Duriveau et lui imposer un duel dont les conditions mettaient désormais Régina à l’abri de calomnies infâmes…

Enfin, c’était Madame Wilson, que le comte aimait d’une si ardente, d’une si folle passion, dont il retrouvait encore le nom dans le récit de Martin.

On le voit, ces Mémoires touchaient par tant de points à la vie de M. Duriveau, que cela seul eût suffi à expliquer l’opiniâtre curiosité avec laquelle il poursuivit cette lecture…

Mais lorsqu’il vint à songer que ce malheureux enfant abandonné, voué à tant de misères, à tant de chagrins, à tant de rudes épreuves subies avec résignation, avec courage, et dont il devait sortir pur… lorsque le comte vint enfin à songer, disons-nous, que Martin était sans doute son fils, il se sentit en proie à une frayeur mêlée de honte insupportable à la seule pensée de se trouver face à face avec Martin, dont l’esprit état si droit, le cœur si pur, le caractère si élevé.