— Très-bien. Mais le portier qui l’a vu entrer, ce Monsieur ?
— Madame y a songé. Tu vas dire au portier de porter cette lettre tout de suite chez le vicomte Scipion… Pendant que M. Durand fera cette commission, tu garderas la loge, et, à son retour, tu seras censé avoir ouvert la porte à l’homme au bandeau noir et l’avoir vu sortir.
— Ça va tout seul… Mais le vicomte Scipion est donc de retour à Paris ?
— Sans doute, j’ai reconnu son écriture parmi les lettres de ce matin que j’ai portées à Madame tout à l’heure, quand elle m’a sonnée pour me dire que l’homme à bandeau noir logerait ici. Enfin le vicomte est si bien à Paris que Madame te fait dire qu’elle n’y est absolument que pour lui… et qu’il doit venir sur les trois heures.
— Bon, je donnerai la consigne au portier en lui remettant sa loge, et je ne recevrai ici que le vicomte Scipion… Mais j’y songe, je ne l’ai jamais vu.
— Peu importe, le portier le connaît. Il ne laissera monter que lui, tu pourras donc ouvrir au vicomte en toute confiance.
— C’est égal, pour plus de sûreté, avant de l’introduire, je lui demanderai son nom.
— Du reste, — dit Astarté, — voilà son signalement : la plus jolie figure qu’on puisse voir, cheveux châtains, petites moustaches blondes frisées, yeux bruns, grands comme ça, et des dents de perles.
— Diable, Mademoiselle, il me paraît que vous l’avez joliment dévisagé, ce joli vicomte.
— Et pour achever, — dit Astarté en haussant les épaules à l’observation de Leporello, — ni trop grand ni trop petit, une taille charmante et une tournure aussi élégante que celle de ton ancien maître, don Juan.
— Avec tant de perfections, — dit Leporello, — je comprends que Madame le soigne, comme tu dis, aussi, à la place de notre maîtresse, j’aimerais mieux un joli garçon comme ça pour m’endormir, que… sa pipe de porcelaine.
— Veux-tu te taire, homme peu vertueux. Allons, va vite… chez le portier, moi je cours m’occuper de la cachette de l’homme à bandeau noir.