Aller au contenu

Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allons, allons, Monsieur le flatteur, — répondit Régina non moins gaiement, — dirigez nos pauvres chevaux vers ce palais enchanté.

— J’obéis, — dit Just en regardant sa femme avec tendresse, — et maintenant c’est à toi, jolie fée Charme des-Yeux, d’user de ta toute-puissance pour faire tomber les obstacles qui pourront s’opposer à notre curiosité.

— Malgré mon peu de foi dans mon rôle de fée, nous essayerons, Monsieur… — répondit Régina en souriant ; puis elle ajouta :

— Mais sérieusement, mon bien-aimé Just, avoue que rien n’est plus charmant que notre indépendante manière de voyager à travers ce pays solitaire. Si nous avions suivi la grande route, nous aurions perdu cette bonne aubaine pour notre curiosité.

Au bout de dix minutes environ, la voiture de Just et de Régina fit halte devant la porte d’une cour immense, clôturée de barrières peintes en vert, et qui longeait une des parties latérales du parallélogramme.

Just s’était arrêté à cet endroit au lieu de poursuivre son chemin jusqu’à l’entrée principale du palais, ainsi que disait Régina, parce qu’à la porte de la cour dont nous parlons, Just venait d’apercevoir une femme qu’il comptait interroger.

Cette femme, robuste et jeune encore, était simplement mais parfaitement vêtue d’une robe de futaine de couleur foncée ; d’un bonnet à la paysanne d’une blancheur éblouissante, chaussée de bons bas de laine et de souliers de cuir bien propres ; elle portait autour du cou, et non sans une certaine fierté, par-dessus son fichu de cotonnade rouge, un cordonnet de soie bleue, à laquelle pendait une petite médaille d’argent.

Les traits rudes, hâlés de cette femme, étaient loin d’être beaux ; mais sa figure pleine, vermeille, annonçait la santé, la franchise et la bonne humeur.

Hâtons-nous de prévenir le lecteur que, dans cette virile créature, il retrouve une de ses anciennes connaissances : la brave Robin, qu’il a vue vêtue d’ignobles haillons, alors qu’elle était fille de vacherie chez le métayer maître Chervin que le comte Duriveau avait si impitoyablément chassé de sa ferme.

À la vue de la voiture dont Just et Régina descendirent pendant que le petit domestique gardait les chevaux, la bonne Robin s’avança courtoisement et peut-être aussi un peu curieusement vers les visiteurs.