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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/326

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306 LE BERGER DE KRAVYAN.

qu’ils ont largement dîné de cette cuisine succulente et variée dont parle M. Thiers d’un air Si friand ; 2° il voulait surtout prouver que la France, jouissant de toutes les prospé- rités désirables, les socialistes n’avaient rien du tout à réclamer, qu’ils étaient un tas de fous, de misérables ou de brigands prêchant le massacre, le pillage, demandant la des- traction de la famille et de la propriété, voulant enfio, sous le nom de partageux, voler au paysan le petit champ qui lui appartenait,

— Par ma foi, monsieur, dans ce cas-là, les partageux seraient fièrement volés, — reprit en souriant le père Mathurin ; — bien enviable il est, en vérité, le petit champ de Jacques Bonhomme ! Du matin au soir, il cultive sa terre à force de sueur et de labeur, et elle ne lui donne pas même son pain quotidien.

Réponse par chiffres officiels aux miracles de M. Thierset aux erreurs très-volontaires de messieurs de l’Académie des sciences morales et politiques. — BiLan DES MISÈRES DE LA FRANCE. —- Ov SONT DONC TOUS CES RICHES dont ces scélérats de républicains socialistes demandent la spoliation, au dire de M. Thiers et de ses compères ? — Touchante et naïve listoire d’un jeune pro- riétaire à peine âgé de dir ans, racontée par ce bon M. Thiers les larmes aux yeux. — Préracité de cet aimable enfant justement appréciée par le père Mathurin. — Comment le rand saint Thiers, poursurvant ses démonstrations mairaculeuses, prouve que Jacques Bon- ne puis de ce qu’il produit et qu’il a la libre propriété de sa personne. — Pourquoi le père Mathurin répond pour la dixième fois à M. Thiers qu’il est bien malhonnéte de rire ainsi au nez du pauvre monde. — Ce que M. Thiers paraît être au vrai.

— Tenez, père Mathurin, dis-je au vieux berger, — pour fatre en deux mots justice des ridicules et tristes plaisanteries de M, Thiers et de ces bons messieurs de l’Académie morale et politique sur la richesse et sur la prospérité de la France, telle que les rovautés nous l’ont faite et laissée, je vais vous donner, non de bonnes raisons, les meilleures rai- sons se contestent, mais je vais vous montrer des chiffres, oui, des chiffres posés par les amis de M. Thiers, lorsque ces autres grands citoyens étaiént ministres en même temps que lui.

En tirant de ma poche un numéro dela PHazanGE (août el septembre 1848), je dis au vieux berger :

— Voici, père Mathurin, un travail aussi curieux qu’irréfutable : c’est le bilan de la France : un homme d’un généreux cœur, d’un grand courage et d’un rare esprit, ap- pelé M. PErREeYmoxp, à consullé tous les tableaux dressés par les divers ministres des finances de ces derniers temps pour la répartition des impôts ; on ne peut donc pas douter de l’exactitude de ses chiffres ; or, d’après ces chiffres, M. Perreymond trouve et prouve ceci ; écoutez bien :

— Il ya en France pIX-NEUF MILLIONS CENT DIX-NEUF MILLE PERSONNES végélant dans LE DÉNUMENT, LA MISÈRE OU LA PAUVRETÉ.

— (CiNQ MILLIONS SEPT CENT CINQUANTE MILLE PERSONNES wivant dans une Quasi- PAUVRETÉ.

— Six MILLIONS CENT QUATRE-VINGT MILLE PERSONNES vivant dans un ÉTAT GÊNÉ OU de DEMI-AISANCE,

— DEUX CENT QUARANTE MILLE PERSONNES vivant dans L’AISANCE. — Six MILLE SIX CENTS PERSONNES vévantenfin dans une GRANDE AISANCE OÙ DANS LA

RICHESSE, ét ayant pour le moins dix mulle livres de rente.

Oui, sur trente-six millions de Français, il y en a vingt-six millions qui végètent dans le dénüment, la pauvreté ou la gêne.

Oui, il y a, aujourd’hui, en France près de cinq millions de familles, de petits pro- priétaires, ou environ véngl millions d’individus obligés de vivre en moyenne durevenu met de trois hectares, c’est-à-dire de subsister, eux et leurs enfants, avec environ soixante francs par an, sans parler des mauvaises récoltes ; il y a, aujourd’hui, en France, plus des