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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/44

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— L’on n’a pas d’idée d’une pareille négligence !… J’attendais autre chose et mieux de votre zèle… et justement… lorsque j’aurais eu tant besoin de…

Puis, s’interrompant, elle me dit brusquement :

— Il suffit… je sais que vous êtes là… Je vous sonnerai si j’ai besoin de vous…

Je sortis le cœur navré de la dureté de la princesse ; mais je l’excusai bientôt… Après tout, elle ignorait la cause de mon inexplicable absence.

Dix minutes s’étaient écoulées, que la sonnette de la princesse retentit de nouveau.

Régina était toujours pâle, ses traits révélaient encore une cruelle anxiété douloureusement contenue ; mais, en me parlant, son accent, au lieu d’être brusque et dur, fut doux et bienveillant.

— Mademoiselle Juliette vient de m’apprendre que vous êtes grièvement blessé, — me dit-elle, — et que telle est la cause de votre manque de service… Pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela tout de suite ?

— Madame…

— Au fait, — reprit Régina avec bonté, — je ne vous en ai pas laissé le temps… Souffrez-vous beaucoup ?

— Un peu… Madame la princesse.

— Pourriez-vous faire quelques courses en voiture… sans trop de douleur ?

— Certainement, Madame la princesse…

Et comme Régina, dont l’angoisse était visible, hésitait à continuer, je lui dis :

— Je n’ai pu apprendre à Madame la princesse que j’avais vu ce matin M. le baron de Noirlieu.

— Vous avez vu mon père ? — s’écria-t-elle, surprise. — Vous l’avez vu…

— Oui, Madame la princesse.

Et je lui racontai mon entrevue avec le baron et Melchior.

Quoique Régina cachât l’émotion qu’elle ressentait, en apprenant avec quel intérêt son père s’était d’abord informé d’elle, je vis une larme, de bonheur sans doute, briller dans ses yeux ; son visage, contracté, se détendit pendant un instant : puis, la pendule ayant sonné une heure, la princesse tressaillit, redevint sombre, inquiète, et dit vivement :