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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés IV (1850).djvu/85

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princesse ; à ma grande surprise je l’ai trouvée dans son parloir, habillée, prête à sortir.

Jamais peut-être Régina ne m’a paru plus jolie ; sa fraîcheur rosée défiait l’éclatante lumière du soleil qui éclairait en plein ce visage radieux d’amour et d’espérance !… ce teint pur, transparent, uni comme une glace, où l’on ne voit pas le moindre pli, n’offrait pas la moindre tache, la gerçure la plus légère, les rayons vermeils le pénétraient, le doraient et rendaient son éclat plus éblouissant encore.

Ma maîtresse était vêtue avec une simplicité toute matinale, d’une robe d’étoffe d’été fond blanc à mille raies bleues ; un petit chapeau de paille doublé de taffetas rose laissait voir les épais et noirs bandeaux de ses cheveux ; au moment où je suis entré, elle s’enveloppait d’un léger châle de crêpe de Chine blanc. En se cambrant en arrière, et en se tournant à demi pour ramener cette écharpe sur ses épaules, ce mouvement donna à sa taille un charme si voluptueux… que je ne pus en détourner les yeux, malgré ma résolution de fuir désormais ces dangereux enivrements.

— Je vais moi-même choisir les fleurs chez la fleuriste, — m’a dit Régina ; — elle ne m’enverrait pas ce que je désire… Si on les apporte avant mon retour… vous m’attendrez pour les arranger…

— Oui, Madame la princesse.

Et je la précédai pour lui ouvrir la porte de l’appartement qui donnait sur le grand escalier.

Je l’ai vue descendre vive… légère… ailée… si je puis dire… car ses petits pieds chaussées de brodequins noirs posaient à peine sur les larges degrés de marbre.

— Peut-être, — me suis-je dit en tressaillant, — elle court à un rendez-vous que lui a donné le capitaine pour le jour de son arrivée.

À cette pensée, il m’a semblé qu’une main de fer me broyait le cœur… et, pour accroître cette torture, mon imagination m a retracé toutes les folles ardeurs de ce rendez-vous…

Il est des fatalités étranges, comme disait Basquine…

J’étais sous le terrible charme de cette vision ; elle exaspérait tout ce que j’avais d’amour, de haine, de jalousie dans le cœur, lorsque j’entendis Mademoiselle Juliette m’appeler et me dire :

— Martin… voulez vous être bien aimable ? c’est de venir m’aider à faire la chambre à coucher de Madame.

— Certainement, — lui dis-je.