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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/17

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— Là-bas ; vous ne le voyez pas, à gauche, près de ce sapin tordu ? le voilà qui s’élève encore. Tenez… tenez…

— Je n’y vois que du feu ; je n’ai pas comme vous des yeux de chasseur… Si c’était mon brigand ou ce gredin de Bête-Puante, je le dévisagerais à cent pas. Mais voilà Ramageau, nous allons avoir des nouvelles de la battue.

En effet, le gendarme que l’on apercevait en plaine depuis quelques moments, arriva et s’arrêta auprès du groupe. Le cheval de ce soldat était fumant et blanc d’écume.

— Eh bien ! Ramageau ? — dit le sous-officier.

— Monsieur Beaucadet, on commence la battue. Les paysans requis pour faire la traque du brigand ont enveloppé le bois de l’Aubépin de tous les côtés, et ils s’en viennent en rabattant sur cette lisière.

— Gendarmes ! — s’écria M. Beaucadet d’un ton de général en chef haranguant ses soldats au moment de l’action ; — gendarmes ! l’affaire va s’engager ; je compte sur vous ! armez vos pistolets ; sabre en main… arche

Et M. Beaucadet, se grandissant dans son uniforme, fit de la main un signe protecteur au piqueur qu’il laissait au carrefour de la croix, et s’éloigna à la tête de ses cinq hommes, qu’il disposa en vedettes sur la lisière du bois.

Pendant ces opérations stratégiques de M. Beaucadet, l’on vit au loin apparaître une voiture découverte où se trouvaient deux femmes, accompagnée de plusieurs cavaliers vêtus d’habits rouges, et suivie de domestiques conduisant en main des chevaux enveloppés de couvertures.

— Allons, allons, mes garçons, — dit le vieux piqueur à ses compagnons, — rassemblez la meute ; que les chiens ne s’écartent pas ; voilà M. le comte et sa compagnie.

Et, ce disant, Latrace descendit de son cheval, qu’il donna à un valet de chiens, mettant ainsi pied à terre afin de recevoir avec tout le respect voulu le comte Duriveau, son maître.