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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/126

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C’est là une cause première au delà de laquelle il est inutile d’en chercher une autre.

Pour que la deuxième condition se réalise, il faut qu’une grande masse d’eau se rassemble instantanément sur un même point, et qu’elle soit assujettie à couler sur des pentes très-rapides, afin d’acquérir une grande vitesse. Ces deux éléments, savoir la Masse et la Vitesse, sont les seuls capables d’engendrer une force d’érosion, et cette force sera d’autant plus énergique, que les deux termes dont elle est fonction croîtront eux-mêmes en grandeur.

Or, d’une part, la forme du bassin de réception est ainsi faite, qu’elle concentre, à peu près instantanément, les eaux, et les lance dans un goulot très-incliné. — Elle fournit donc l’élément de vitesse.

— D’une autre part, on a vu que les crues n’arrivaient jamais qu’à la suite des fontes de neige ou des orages. Voilà les sources de l’autre élément. Les fontes de neige et les pluies d’orage fournissent les masses, que les formes du bassin de réception mettent ensuite en mouvement.

Résumons. — Trois causes président à l’action des torrents.

1o Une cause géologique, résultant de la nature même du terrain ;

2o Une cause topographique, résultant de ses formes ;

3o Une cause météorologique, résultant des actions atmosphériques.

Poursuivons cette analyse. — Une première réflexion se présente tout d’abord. La forme des bassins de réception, qui est une des trois causes, peut-elle bien être acceptée comme une cause primitive ? — Pour que cela fût ainsi, il faudrait que la cause qui a créé ces montagnes eût moulé du même coup ces bassins, suivant la figure caractéristique qu’on leur voit aujourd’hui ; il faudrait que cette figure eût précédé l’action des eaux : celles-ci auraient alors trouvé les formes du terrain déjà prêtes, et elles auraient produit, dès le premier jour, tous les phénomènes qu’elles poursuivent encore aujourd’hui devant nous.

Mais il est impossible d’admettre une pareille explication. — Les bassins de réception sont évidemment le résultat de l’action violente et longtemps prolongée des eaux, rassemblées d’abord dans un simple pli du terrain, et coulant sur un sol privé de consistance.

— Ce qui le prouve d’une manière décisive, c’est la présence de ces larges lits de déjection, qui ont été formés en entier aux dépens des régions supérieures d’où sortent les torrents. — Tous les jours, d’ailleurs, nous voyons les bassins de réception s’élargir, et les lits de déjection s’exhausser.