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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/127

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Ces effets se poursuivent même avec une telle rapidité, qu’un petit nombre d’années a dû suffire pour apporter d’énormes modifications dans les formes originelles du terrain. Il n’y a donc qu’à reporter, pour ainsi dire, dans les temps anciens ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux, en supposant que les phénomènes présents sont la continuation d’une même action commencée depuis des siècles ; et le creusement des bassins se trouve expliqué. — Enfin, s’il m’est permis de recourir à un postulatum, en invoquant ici un fait qui ne sera démontré que plus tard, je dirai qu’il existe des torrents tout à fait récents, qu’il s’en forme chaque jour de nouveaux, et que là, on assiste littéralement à la formation des bassins, au milieu de terrains où rien ne faisait pressentir leur apparition.

Je sais bien que cette action peut sembler au premier abord exagérée, quand on considère la vaste étendue que présentent les bassins de certains torrents, et leur encaissement profond, qui en forme de véritables vallées. Mais alors, il faut considérer en même temps l’énorme cube formé par les dépôts, lequel n’a pu sortir que des bassins ; il faut se rappeler que ce cube est encore loin d’exprimer toute la masse que le torrent a tirée de la montagne, puisqu’une partie de cette masse a été versée dans la rivière, qui l’a dispersée plus loin. Par un effort de notre pensée, transportons la montagne formée par les déjections jusque dans les parties supérieures du torrent ; jetons-la dans le creux du bassin ; augmentons-la de tout ce cube emporté par la rivière, et nous ne serons pas loin d’avoir comblé ces excoriations profondes, dont nous hésitions tout à l’heure d’attribuer le creusement aux eaux. Nous comprendrons de cette manière comment il n’y a aucune exagération à affirmer que la vallée tout entière du torrent, depuis sa naissance jusqu’à son confluent, est l’unique ouvrage de ses eaux. — Les torrents nous révèlent ainsi le secret d’un genre de formation commun, sans doute, à un grand nombre de vallées, mais qui n’est nulle part plus incontestable[1].

De cette discussion il résulte que la cause que j’ai appelée topographique ne devient plus qu’un corollaire obligé des deux autres causes. Ces montagnes, une fois mises en relief, quelle que soit la forme primitive qu’on

  1. Voyez la note 11.