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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/144

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de Dévoluy[1] est menacée par un torrent qui se dirige droit sur l’édifice ; on l’a contenu par une digue construite depuis une vingtaine d’années. Comment admettre qu’un pareil monument, dont la construction paraît avoir été assez soignée, ait été établie sous la bouche même d’un torrent ? Le style de son ornementation remonte au commencement du treizième siècle, et l’on sait assez de quelles précautions les architectes chrétiens environnaient leurs constructions. Donc le torrent n’existait pas au treizième siècle ; donc, en résumant, il y a des torrents formés depuis les temps historiques.

Mais, sans quitter la même contrée du Dévoluy, on peut citer des exemples de formations bien plus récentes encore. Là des torrents complètement organisés se sont développés sous les yeux de la population contemporaine. Plusieurs même n’ont pas encore reçu de noms, et ils exercent déjà d’effrayants ravages.

En parcourant d’autres localités, on y recueille des observations semblables. Des torrents récents se creusent sur tous les points, partout surgissent des exemples nouveaux qui attestent l’abondance et la rapidité de ces formations, et bientôt on s’arrête consterné devant cette masse de faits, qui sont un bien sinistre présage pour l’avenir du pays[2].

Donc encore, en résumant, des torrents peuvent se former de nos jours, et plusieurs sont d’un âge tout récent.

Enfin, comme s’il ne devait pas manquer un seul anneau à cette chaîne des âges, il existe des torrents qui se placent par leur forme et par leurs effets entre les torrents éteints et les torrents en pleine activité. Ceux-là ne sont pas encore encaissés d’une manière stable au milieu des déjections, mais ils ne divaguent plus que sur une petite partie de leur lit. Le reste est couvert de cultures, de bois, de maisons, et paraît délaissé par le tor-

  1. L’église d’Aguères.
  2. En face de l’esplanade d’Embrun on voit une montagne déchirée par une multitude de torrents du troisième genre. Ils croissent pour ainsi dire sous les yeux de la ville. L’un d’entre eux, nommé Piolit (petit lit), et qui n’était, il y a une trentaine d’années, lorsqu’il a reçu ce nom, qu’un tout petit ravin, est devenu un grand et complet torrent.

    La montagne qui s’étend depuis Orcières jusqu’à la vallée de Champoléon, sur la rive droite du Drac, est ravagée par une telle quantité de torrents, qu’elle semble devoir s’abîmer en masse dans la rivière. — Ces torrents sont la plupart récents, et les vieillards du pays les ont vus naître et se développer.