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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/155

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détritus des roches verticales qui couronnent généralement la cime des montagnes. — Dans ces terres meubles, la végétation s’enracine avec force, et de vigoureuses forêts de mélèzes et de sapins ont revêtu les flancs de la montagne. Mais la hache peu à peu a décimé les arbres ; des coupes faites sans police ont ouvert, à travers les forêts, de larges clairières, dirigées dans le sens de la pente du revers, cette disposition étant celle qui rend l’exploitation la plus facile. — Or, partout où les bois ont été éclaircis de cette manière, voici ce qu’on remarque. À la place de chaque clairière, le sol végétal a été emporté par les eaux ; un sillon s’y est formé, peu profond dans le commencement, mais qui se creuse de plus en plus, s’étend, monte, grandit, et constitue bientôt un torrent complet. Dans les bandes intermédiaires, où les arbres ont été épargnés, on voit tout le contraire. Là, dans le même sol, sous la même exposition, sur les mêmes talus, souvent très-rapides, le terrain s’est tenu ferme, et ses formes ont été respectées par les eaux. En parcourant la forêt, on traverse ainsi une succession de zones dont l’opposition est frappante. — On peut même saisir jusqu’aux nuances qui séparent le contraste. On remarque des ravins naissants dans les parties où les souches clair-semées accusent un déboisement récent. On remarque des torrents complets là où les indices du terrain et les renseignements des habitants accusent des déboisements plus anciens. Nous sommes donc bien assurés de ne pas prendre l’effet pour la cause, quand nous affirmons que c’est le déboisement de la clairière qui a formé le ravin, et non pas le ravin qui a formé la clairière.

Or, l’exemple que je viens de décrire se reproduit à peu près dans toutes les forêts de l’Est du département[1]. Quand il n’y aurait de bien établi que ce seul et unique fait, ne suffirait-il pas pour prouver, dans toute sa force, l’active influence des forêts ? — Considérons donc cette influence comme une chose démontrée, et résumons-la dans les deux propositions suivantes, qui ressortent avec évidence du fait précité :

  1. Il en existe on exemple frappant sur le revers occidental du mont Saint-Guillaume, du côté de Réallon. — D’autres exemples dans la montagne de Saint-Jean-des-Crottes, — dans les forêts du mont Genèvre, — dans celles de la Combe du Queyras, — dans celle de Risoul, etc.

    Il y en a un autre exemple à l’ouest de Lalley, département de l’Isère, près de la Croix-Haute.