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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/197

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contre les injures des eaux. J’ai déjà eu l’occasion de la présenter sous ce point de vue général (chap. 26).

Il suit de là que les difficultés que présente un terrain à la plantation sont en raison inverse de l’intérêt qu’on a à le planter, et, par conséquent, que là où elles commencent à devenir très-graves, l’utilité des plantations devient si insignifiante qu’on ne risque rien d’y renoncer. — On comprend de suite combien d’objections sont réduites au néant par cette simple observation.

Mais ce qui doit surtout assurer la bonne venue de la végétation sur les berges, c’est la multiplicité des canaux d’irrigation. Il faudrait qu’on saignât le torrent jusqu’à sec, et que la masse entière de ses eaux, sortie de ce fond qu’elle affouille, fût éparpillée par une infinité de filets sur les berges. C’est alors que l’élément de dégradation deviendra bien réellement un élément de fécondité, ainsi que je l’ai dit ailleurs dans une digression qui pouvait alors paraître oiseuse, et qui menait à mon but, comme on le voit maintenant.

Il n’est personne qui, ayant voyagé dans ces montagnes, n’ait été surpris de l’étonnante fertilité que l’arrosage donne ici aux terres. Dans ces calcaires si friables, l’effet de la latitude est encore augmenté par l’effet de l’inclinaison des terrains ; et quand une côte, frappée par les feux perpendiculaires du soleil, est, en même temps abreuvée d’eau, la végétation s’y déploie avec une vigueur sans égale. — On en voit des exemples dans la plupart des berges qui sont traversées par des canaux d’arrosage ; et ces exemples sont précisément ceux qui conviennent à mon sujet.

Je citerai, entre autres, la berge gauche du torrent de Bramafam, près d’Embrun, à mille pas environ en amont de la route royale. Là, on peut voir une berge d’une vingtaine de mètres de hauteur, sur laquelle le passage d’un canal d’arrosage a fait naître une végétation si touffue, qu’il est difficile de distinguer, sous cette chevelure de broussailles, quelle est la couleur et la nature du terrain. Pourtant cette berge est très-abrupte ; de plus elle est formée de ce calcaire schisteux à bélemnites, c’est-à-dire du pire de tous les terrains du département, de celui-là même que j’ai cité comme étant, par sa facilité à se décomposer, une des causes les plus puissantes de la formation des torrents. — Or, si la présence fortuite d’un canal, nonobstant des circonstances aussi défavorables, a produit de pareils effets, comment n’en serait-il plus de même, lorsque ces effets seront provoqués par les moyens les plus actifs ? S’ils arrivent accidentel-