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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/217

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sacrifices de la conquête sont depuis longtemps ensevelis dans l’oubli ; mais le bienfait subsiste, il est toujours présent, il se renouvelle à chaque récolte, et les générations les plus reculées le goûteront aussi pleinement que la génération présente.

Il faut bien que toutes ces raisons ne soient pas complètement dénuées de solidité, puisque l’état s’y est rendu plus d’une fois. Assurément, je ne manquerais pas d’exemples, si je voulais montrer le trésor public s’ouvrant à des dépenses faites dans un intérêt purement local, et à des dépenses plus considérables que celles dont il est ici question.

N’est-il pas vrai, par exemple, que le budget de plusieurs millions, que les Chambres ont voté, il y a quelques années, pour les travaux publics de la Corse, ne s’applique guère qu’à un intérêt local ?… Les routes que ces fonds sont destinés à créer, ne diffèrent pas des communications départementales, que l’état laisse ordinairement à la charge des centimes additionnels. — Si pourtant les Chambres ont cru devoir imputer ces dépenses sur les fonds du trésor, n’est-ce pas qu’elles ont vu ce département dans une position tellement basse, qu’il lui était impossible de se relever sans le secours de la France ? Et en faisant de pareils sacrifices, elles n’ont pas cru, certainement, qu’ils fussent perdus pour la patrie. Elles savaient que chaque membre du territoire a son importance qui lui est propre, fût-elle même ignorée aujourd’hui ; que chacun peut apporter son contingent dans la masse commune ; mais que, pour jouir de son concours, il faut souvent l’aider, lui tendre la main, le soutenir dans ses commencements difficiles, afin qu’il prenne des forces, se développe, et qu’enfin il devienne tout ce qu’il est capable d’être.

Citerai-je les gigantesques travaux exécutés par les soins de l’état et aux frais du trésor, le long des rives du Rhin ? — On peut voir là des anses, qui ont englouti, dans l’espace de vingt ans, au delà d’un million et demi ; des épis dont la construction a coûté jusqu’à 50 000 fr., jusqu’à 100 000 fr., et qu’une seule crue a suffi quelquefois pour anéantir en entier. — Eh bien ! ces dépenses, qui s’appliquent à des ouvrages si éphémères, qui paraissent si monstrueuses à côté de celle que nous discutons dans ce moment, n’ont pas d’autre destination que de protéger les propriétés de la rive française contre les attaques du fleuve ! Voilà, certes, un intérêt strictement local. Pourtant la localité n’y contribue en rien ! — Mais il y a plus. Ces mêmes ouvrages, qui défendent les rives, gênent la navigation, et sont quelquefois la cause de naufrages. L’état paye donc là, avec les de-