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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/218

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niers publics, des travaux qui ne profitent qu’à l’intérêt privé des laboureurs d’une seule vallée, et qui nuisent à l’intérêt général[1] !… Je confesse que cet exemple porte même au delà de mon but. Je ne l’aurais pas cité, s’il ne venait à l’appui de ce que j’ai dit ailleurs, au sujet des faveurs exagérées qui pleuvent sur quelques départements, et qui opposent un pénible contraste à l’oubli dans lequel on délaisse certains autres.

Mais un exemple dont je ne crains pas de proposer l’imitation, qui a la plus grande analogie avec mon sujet, et sur lequel j’insiste tout particulièrement, est celui de la plantation des dunes dans les Landes.

Dans les Landes, les routes, les habitations, les cultures étaient englouties par des montagnes de sable mouvant, comme elles le sont dans les Alpes par les déjections des torrents. On y citait aussi des villages entiers, condamnés à périr, et luttant vainement contre la progression des sables, pour reculer l’instant de leur ruine. L’art était impuissant, et aucun effort ne pouvait empêcher la catastrophe de s’accomplir, au bout d’un certain temps, qu’il était même facile de prédire, tant le fléau marchait d’un pas réglé, tant il était inévitable dans ses atteintes !

Sa cause, du reste, était absolument identique à celle qui engendre ici les torrents : c’était l’incohésion, l’instabilité du sol. — Seulement, l’agent de destruction était différent, et le vent jouait là-bas le rôle que jouent ici les eaux. Il emportait le sable, et le répandait sur les cultures, de la même manière que les torrents emportent ici les terres friables des montagnes, et les revomissent dans les plaines. — Abandonné à lui-même, le département des Landes aurait vu son littoral se transformer insensiblement en un long désert de sable, entrecoupé de marais perfides, et qui, s’étendant de l’Adour à la Garonne, et marchant vers l’intérieur des terres, menaçait de tout envahir jusqu’aux portes de Bordeaux.

Lorsqu’on s’occupa des moyens à opposer au fléau, on dut naturellement penser au boisement : qu’y avait-il de plus propre à retenir ces terres errantes ? Et celles-ci une fois fixées, le mal n’était-il pas extirpé dans sa racine ? — Il existait des portions de dunes où les pins avaient pris pied, par le seul effort de la nature, et là, le mouvement des sables s’était arrêté.

  1. J’ai transcrit dans la note 19, les propres paroles de M. Desfontaines qui a dirigé pendant vingt années les travaux du Rhin, en qualité d’ingénieur en chef. Le fait que j’énonce est tellement exceptionnel que j’ai cru nécessaire de l’appuyer sur une autorité irrécusable.