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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/223

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La route royale no 85, qui va de Grenoble à Marseille par Gap, étant plus fréquentée que les autres, a dû, par cette raison, recevoir le plus d’améliorations. On peut voir là plusieurs défenses assez complètes, faites dans le but d’assurer le passage des torrents. — L’un de ces passages, celui du torrent de Déoul, n’a pas coûté moins de 120 000 francs. Pourtant, le Déoul n’est encore qu’un torrent fort modeste à côté de ceux qui désolent le pays d’Embrun, et qui coupent à tous les pas la route royale no 94.

À Chorges, l’endiguement du torrent a coûté au delà de 100 000 francs. Il était utile à la fois, et à la route, et aux habitants ; mais ceux-ci y étant intéressés par des raisons plus pressantes que l’État, puisqu’il ne s’agissait de rien moins que de la conservation de leur bourg, l’État a permis qu’ils supportassent seuls tout le poids de la dépense. Telle a toujours été, pour le dire en passant, la libéralité du gouvernement, vis-à-vis de ce département[1]. Je suppose pourtant que l’administration ait voulu rectifier sa route dans cette partie : elle aurait été forcée de s’engager seule dans la même dépense, et je ne cite ce fait que pour donner un exemple des dépenses auxquelles s’élèvent toujours ces sortes de travaux.

Et qu’on ne dise pas que ce sont là des cas particuliers ! On n’a qu’à se reporter à la troisième partie de cette étude, et se ressouvenir quelle longue série de travaux est nécessaire pour assurer la traversée des torrents : la rectification indispensable pour amener préalablement la route au point de passage le plus favorable ; l’endiguement du torrent sur de grandes longueurs ; la construction coûteuse des ponts, etc., etc. — On voit bien par là que je n’ai pas cité des dépenses exceptionnelles, mais que ces chiffres, exorbitants pour de si petites longueurs de rectification, se reproduiront invariablement dans la dernière page de tous les avant-métrés, dressés pour de semblables projets.

Mais ce qui rend ces chiffres plus accablants encore, outre le grand nombre de torrents auxquels on sera forcé de les appliquer, c’est qu’ils n’expriment, dans la plupart des cas, que des résultats provisoires. C’est qu’il faudra les enfler encore dans l’avenir, et les enfler indéfiniment, ou du moins, jusqu’à cette limite où le torrent aura cessé pour toujours d’exhausser son lit ! Je viens de citer les 100 000 francs dépensés à Chor-

  1. Ce bourg vient d’obtenir enfin un modique secours, grâce aux pressantes sollicitations du préfet actuel du département.