Aller au contenu

Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ges : à quoi ont-ils servi ?… Mais il y a plus encore. À mesure que des torrents nouveaux se formeront, les mêmes chiffres devront leur être appliqués… Dès lors, je ne vois plus de limite à la dépense.

Qu’on veuille bien réfléchir à toutes ces considérations. Ce ne sont plus là des raisons de convenance, que certains esprits accueilleront, que d’autres repousseront, suivant le tour plus ou moins généreux de leurs idées ; c’est un strict calcul d’économie. — Chaque année, les ingénieurs des ponts et chaussées proposent ici quelque projet nouveau, dans le but de rectifier les traversées des torrents. Chaque année, des fonds sont alloués, et l’on compte quelques nouveaux torrents, assujettis à passer sous des ponts. De la sorte, en courant toujours au plus pressé, l’État s’engage peu à peu dans des dépenses très-considérables, dont on ne voit pas la fin, et dont les fruits sont remis chaque jour en question. Alors on peut se demander si l’État, qui engloutit de si grosses sommes dans des travaux impuissants, n’agirait pas dans son intérêt le mieux entendu, en détournant quelques deniers au profit d’autres travaux, qui assureraient le succès des premiers ? L’économie semble d’autant plus manifeste, qu’une très-petite somme, affectée aux reboisements, diminuerait dans une forte proportion la dépense des ouvrages d’art ; ainsi, ce n’est pas seulement une petite dépense qui s’ajoute à une dépense considérable, dans le but de la rendre efficace ; mais c’est en réalité un procédé moins coûteux et de réussite certaine, substitué à un procédé plus coûteux et imparfait.

On voit que la question a entièrement changé de terrain : il ne s’agit plus de l’intérêt du département ; il s’agit de l’intérêt le plus direct du trésor. — Je suppose qu’on ait formé le projet de rectifier du même coup toutes les parties où les routes sont traversées à ciel ouvert par les torrents. Deux systèmes sont en présence : le système exclusif des digues, très-dispendieux et remplissant mal son but ; celui de l’extinction, plus économique et le remplissant d’une manière complète. Que si l’on persiste à donner la préférence au premier système, si l’on s’obstine à payer des maçonneries qui demain seront détruites, tandis qu’on repoussera les plantations dont les effets sont éternellement assurés, n’est-ce pas, tranchons le mot, s’entêter dans une absurdité[1] ?

  1. Pour apprécier toute la portée de ces considérations, il ne faut point perdre de vue que les torrents les plus nombreux et les plus redoutables sont répandus dans les plus