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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/235

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bout de trois ans, ils ont formé des bourres tellement serrées, qu’il est impossible à un homme de s’y frayer un passage. L’épine-vinette, aux longues racines traçantes usitées dans la teinture, le buis, le prunellier, l’épine noire, la ronce rampante, croissent sur les côtes les plus arides. Le myrtil, le genévrier, le rhododendron prospèrent jusque sur le sommet des montagnes, parmi la neige et les glaces. Enfin, la lavande pousse ses touffes parfumées à travers les débris formés par les éboulements des rochers, dans ces terrains nommés ici des casses, et dont on ne peut donner une meilleure idée, qu’en les comparant à un approvisionnement de moellons, qui auraient été jetés au hasard les uns sur les autres, et entassés sans ordre. — Dès qu’on voudra s’occuper sérieusement de ce sujet, quelques recherches faites avec soin et intelligence auront bientôt fait découvrir quel genre de plantes convient à telle exposition, à tel terrain, à telle hauteur. Quelques expériences, pratiquées en petit, enseigneront ensuite les meilleurs procédés à suivre, pour transporter ces plantes sur le sol qui leur est destiné. Dès lors la méthode sera trouvée : l’on opérera en grand, et l’on marchera, sans tâtonnement et sans détours, vers un but assuré.

Ensuite, notre opération, au lieu d’être rétrécie dans les étroites proportions d’une propriété privée, couvre un vaste champ, dans lequel les chances de succès s’accroissent, en quelque sorte, avec la superficie du terrain. Je m’explique :

— Lorsqu’une grande étendue de terrain est ensemencée ou complantée, il est très-possible que la végétation ne surgisse pas avec un égal succès sur tous les points à la fois : cela n’est pas même probable. Il y aura des parties rebelles et ingrates ; mais aussi, dans une enceinte aussi spacieuse, il y aura beaucoup de chances d’avoir enserré quelques parties, qui conviennent à la végétation, et sur lesquelles elle ne peut manquer de s’établir avec vigueur. On peut donc se représenter le champ de l’opération comme formé par un certain nombre de places, où la végétation aura pris pied, dispersées çà et là, comme des oasis, au milieu d’un vaste espace, dont le sol sera resté nu et dépouillé. — Mais alors commence une action nouvelle.

Autour de chacun de ces oasis, et sous l’influence du bouquet de végétation qui le décore, se forme une lisière plus ou moins large, où le sol, rendu plus humide par le voisinage de l’ombre, labouré par les racines qui serpentent au loin, engraissé par la chute des feuilles, recevant d’ailleurs une multitude de rejetons et de graines, aura subi une sorte de pré-