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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/250

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Or cet emprunt, considéré sous le point de vue économique, est loin d’être une chose blâmable. Le territoire des plaines est généralement fertile, et partout où le sol peut porter de productives récoltes, il serait absurde d’y planter des arbres qui sont d’un moindre rapport. Les arbres viennent à peu près partout : les cultures au contraire ne prospèrent que sur une terre féconde. Là donc où le sol est fécond, les cultures sont dans leur site naturel. — Il existe pour chaque contrée un certain nombre de produits, qui réussissent mieux chez elle que partout ailleurs, et qui semblent plus spécialement affectés à son terroir. Le rôle des communications est justement de faciliter l’échange des productions, de manière à permettre à chaque contrée de donner le plus d’extension possible aux produits qui conviennent, en lui fournissant ceux qui lui manquent, et en la dispensant de les tirer de son propre sein.

Disons donc qu’une plaine, toutes les fois que son territoire sera fertile, ou toutes les fois que ses communications, à l’aide des canaux, ou des chemins de fer, ou des rivières, ou des voies maritimes, ou même des routes ordinaires, lui amèneront des bois à un prix inférieur à celui que coûterait le bois venu sur place, eu égard au prix moyen des terres et à leur rendement ; disons qu’elle fait bien de s’approvisionner au dehors, et qu’elle aurait grand tort de diminuer la valeur de son territoire, en le recouvrant par des forêts. — Non-seulement dans une pareille plaine, le reboisement serait une œuvre de déraison, mais le défrichement même des forêts sur pied n’est, au fond, qu’une opération éminemment bonne et désirable, puisqu’elle substitue une production avantageuse à une autre qui l’est moins, sans que, d’ailleurs, la contrée souffre de la privation du produit qui lui est enlevé.

Observons maintenant que dans les plaines, l’enlèvement des forêts n’est suivi d’aucun de ces effets fâcheux que nous avons décrits ailleurs. Il ne détruit pas la stabilité du sol : il ne nuit pas aux cultures. On ne peut pas même dire qu’il dérobe à la campagne les charmes de l’ombre, de la verdure et de la fraîcheur ; car des vergers bien touffus procurent le même agrément, avec infiniment plus de profit pour le propriétaire.

Enfin, ajoutons que dans les plaines, la facilité générale des communications permet de colporter la houille et d’autres combustibles minéraux qui peuvent suppléer au bois de chauffage. La même commodité y développe l’industrie, qui s’ingénie à remplacer le bois par le fer ou par d’autres métaux, dans les ouvrages de menuiserie et de charpente.