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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/251

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Il existe de vastes contrées, admirablement fertiles, parfaitement cultivées, et qui, étant complètement dénuées de forêts, ne paraissent pourtant pas se ressentir péniblement de leur absence. — Telle est, entre autres, la Hollande. Tandis qu’elle exploite son sol, en le couvrant de jardins et de pâturages, le Rhin lui apporte le bois des Vosges, et ses navires vont au delà des mers, dépouiller à son usage les forêts scandinaves.

Mais quittons pour un instant les plaines, et pénétrons dans l’intérieur des montagnes : nous voilà transportés tout à coup au milieu d’une nature nouvelle et de conditions toutes différentes.

Ici, plus de rapides communications, plus de ports de mer, plus de larges rivières navigables. Si nous y découvrons quelques routes faciles au roulage, nous les voyons ramper au fond des vallées principales, sans que leur action puisse se ramifier au loin, encaissées comme elles sont entre des montagnes, sur les parois desquelles la circulation est nécessairement pénible et très-circonscrite. — Il est donc nécessaire que les forêts croissent ici sur place : car s’il fallait les exploiter au loin, et les faire remonter ensuite du fond des plaines vers les montagnes, le bois serait d’un prix inabordable à la plupart des consommateurs.

Non-seulement il faut que les montagnes contiennent dans leur enceinte assez de bois pour suffire aux besoins de leur population, mais il faut encore que cette masse suffisante de forêts soit ainsi distribuée dans toutes les parties du pays, que chaque village, chaque hameau, chaque habitation ait sous la main le pan de bois destiné à l’approvisionner. Sitôt en effet que la forêt s’éloigne, les difficultés du transport deviennent excessives ; la forêt n’étant plus à la portée des habitants, est comme si elle n’était pas, et la position n’est plus tenable. — C’est là ce qui arrive dans plusieurs communes de ce département, où l’éloignement progressif des bois amène insensiblement le décroissement de la population. Il suffirait, dans certaines localités, qu’un incendie dévorât les habitations, pour contraindre la masse des indigènes à déserter leur territoire, à cause de l’impossibilité où ils se trouveraient de construire de nouvelles demeures, faute de bois. Là, on peut dire que la population ne tient plus au sol que par un fil, que l’accident le plus ordinaire peut rompre d’un jour à l’autre.

On voit ici, dans une petite vallée (celle de Lagrave) les habitants réduits, pour se chauffer et pour cuire leurs aliments, à faire brûler de la bouse de vaches, préalablement pétrie en galettes et durcie au soleil. Cet ignoble combustible infecte de son odeur leurs chaumières, leurs vête-