Aller au contenu

Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments, l’air qu’ils respirent, et jusqu’aux aliments dont ils se nourrissent : l’atmosphère de la contrée tout entière en est imprégnée. — Or s’ils ont recours à un si triste chauffage, ce n’est pas que la localité soit absolument dépourvue de combustibles : elle en est au contraire très-richement dotée, puisqu’elle possède plusieurs gîtes d’anthracite en pleine exploitation. Mais on conçoit aisément que ce minerai étant fort lourd, sitôt qu’il faut le transporter à dos de mulets ou à dos d’hommes, jusqu’à de grandes élévations, à travers des rochers et sur des rampes affreuses, la fatigue et le prix du transport s’élèvent à un tel point, que la plupart des pauvres sont contraints d’y renoncer. — Aussi ces mines, qui seraient si précieuses dans une plaine, ne profitent ici qu’aux habitants qui en sont immédiatement voisins ; et elles demeurent presque sans usage, au delà d’un rayon de quelques lieues.

Concluons : pour que les montagnes soient habitables, il faut que les montagnes soient boisées, et l’anéantissement total de leurs forêts entraînerait infailliblement la fuite de la population.

Mais là ne s’arrête pas la différence des conditions.

Qu’une forêt disparaisse d’une plaine, elle fait place aux cultures : c’est un produit du sol substitué à un autre produit, et cette substitution, dans la plupart des cas, n’a même rien de regrettable. — Abattez, au contraire, l’antique forêt qui couvre les reins d’une montagne : aussitôt tout est bouleversé. Les orages et les ravins déchirent les talus : le sol végétal a bientôt fui, et avec lui, la fertilité et la verdure. Plus de champs ; plus de cultures. Livrée sans défense aux attaques des eaux, fouillée jusque dans ses entrailles par les torrents, succombant enfin sous son propre poids, la montagne descend en roulant sur la plaine, qu’elle ensevelit sous ses débris, et confond dans sa propre ruine.

Sans doute, il arrive ici, comme dans les plaines, qu’on abat chaque jour des bois, pour livrer le sol à la charrue ; et les défricheurs ne se portent à cette destruction que par le profit qu’ils y trouvent. Mais qu’on ne s’avise pas de confondre ces profits éphémères et illusoires, avec l’avantage durable et bien réel qui résulte de la même opération dans les plaines.

Les premières anuées qui suivent un défrichement sur une montagne, produisent d’excellentes récoltes, à cause de l’humus que la forêt laisse après elle sur la terre. Mais ce précieux terreau, d’autant plus mobile qu’il est plus fécond, ne reste pas longtemps sur les pentes : au bout de peu de temps, il est dissipé : le fond stérile vient au jour, et l’inconsé-