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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/255

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bien étrange dans les plaines, où les nuages volent à de grandes hauteurs au dessus des forêts.

Je ferai remarquer encore que l’élévation des montagnes, qui les place presque dans l’impossibilité de rien emprunter aux plaines, leur facilite au contraire, les moyens d’y faire écouler leurs propres produits. Les cours d’eau qui serpentent au fond de leurs vallées, et qui s’épanchent ensuite dans les plaines, semblent des voies faites exprès pour la descente des bois, c’est-à-dire de la seule substance susceptible d’être flottée par le plus mince volume d’eau, sous forme de bûches perdues.

On peut juger, d’après tout cela, quel immense intervalle sépare les pays de montagnes des pays de plaines, dans la question des forêts, et combien il est important de ne pas les confondre sous une même règle. C’est faute d’avoir suffisamment conçu cette distinction que plusieurs esprits, distingués d’ailleurs, sont arrivés à considérer l’inconvénient des défrichements comme assez peu grave, et les craintes exprimées à ce sujet, comme étant fort exagérées, sinon tout à fait vaines. — Il est certain que dans les montagnes, ces craintes sont malheureusement très-fondées, et loin d’être exagérées, je dirai plutôt qu’elles sont au-dessous de la mesure du danger. De la présence des forêts sur les montagnes dépend l’existence des cultures et la vie de la population. Ici, le boisement n’est plus, comme dans les plaines, une simple question de convenance : c’est une œuvre de salut, une question d’être ou de n’être pas. Il est donc urgent de rappeler les forêts sur les montagnes, puisque ces pays n’existent que par elles, et qu’en définitive, il faut bien qu’il y en ait quelque part, les plaines elles-mêmes ne pouvant s’en passer, qu’autant qu’elles en trouvent à leur portée dans les régions voisines.

De toutes parts, sur les montagnes comme dans les plaines, les forêts diminuent. Cependant, il est impossible qu’une société d’hommes vivant avec les habitudes et les besoins que la civilisation lui a faits, puisse se passer de bois. Il devient donc pressant d’aviser à faire équilibre à l’incessante destruction des bois par la création d’une grande masse de forêts nouvelles. — Or, ces forêts nouvelles, ou les placera-t-on ? Sera-ce dans les plaines, où elles prennent, comme à regret, la place des moissons ? Sera-ce dans les montagnes, où elles prospèrent sur des terrains incultes ? Dans les plaines, qui peuvent chercher leurs bois au loin, ou dans les montagnes, que la difficulté des communications oblige à les tirer de leur propre fonds ? Dans les plaines, où ces reboisements n’ont aucune influence