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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/289

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tive de l’atmosphère, proportionnellement au besoin qu’elle en a. Sans cette loi prévoyante de la nature, les roches les plus tendres des régions tropicales seraient promptement emportées par les eaux, et le sol ne pourrait plus nourrir ni végétaux, ni animaux ; car, quoique dans beaucoup de régions tropicales, on rencontre de vastes étendues, qui présentent l’apparence de déserts stériles, et qu’on voit cependant renaître soudain à la vie, après deux ou trois jours de pluie, et se couvrir comme par enchantement d’une brillante verdure, on doit reconnaître que les racines des plantes vivaces auxquelles l’humectation fait produire une végétation si vigoureuse, et même celle des plantes annuelles déjà passées, dont les graines produisent des feuilles si verdoyantes, s’entremêlent dans le sol de telle manière qu’elles opposent une résistance considérable au pouvoir destructeur des pluies[1].

» Je n’ai nullement l’intention de conclure de ce qui précède, que la dégradation du sol n’est pas généralement plus grande sous les tropiques que dans les climats tempérés ; j’ai voulu simplement établir que, dans les deux cas, le sol reçoit des végétaux qui le recouvrent une protection proportionnée à l’influence destructive à laquelle il se trouve exposé. Supposons qu’il arrive en Angleterre une de ces saisons pluvieuses si communes sous les tropiques ; nul doute que de grandes étendues de terre seraient entraînées, et que les barrows dont nous avons parlé plus haut, disparaîtraient promptement. Si, au contraire, il ne tombait dans les régions tropicales que la même quantité de pluie que nous avons chaque année dans le climat de l’Angleterre, ou y trouverait à peine quelques traces de végétation dans les bas-fonds, car l’eau qui en résulterait serait insuffisante pour sustenter les plantes tropicales ; et, bien qu’elle tendît à dégrader le sol, elle serait si promptement évaporée, que son action destructive serait à peine sensible. La quantité de pluie et la végétation sont proportionnées l’une à l’autre, néanmoins la dégradation du sol croît avec la quantité de pluie et la force de plusieurs agents météoriques, de sorte que, toutes choses égales d’ailleurs, plus il tombe de pluie, plus est grande la destruction du sol, et conséquemment, plus un climat est chaud, plus la dégradation des montagnes est considérable.

» Dans les régions tropicales, les plantes parasites et rampantes croissent dans toutes les directions possibles, de manière à rendre les forêts presque impraticables ; les formes et les feuilles des arbres sont admirablement calculées pour résister aux fortes pluies et en garantir les êtres innombrables qui, dans les saisons pluvieuses, viennent chercher un abri sous leur feuillage. Le bruit que font les pluies tropicales en tombant sur ces forêts, frappe les étrangers d’étonnement ; et il s’entend à des distances que les habitants des régions tempérées ont peine à concevoir. La pluie, ainsi amortie et brisée dans sa chute, est promptement absorbée par le sol, ou se précipite dans des dépressions dans lesquelles elle produit des torrents qui, il faut l’avouer, sont assez impétueux et causent de grands ravages. »


  1. Dans les savanes de l’Amérique il arrive fréquemment qu’il y a peu de végétation, et alors elles éprouvent des dégradations considérables.