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Page:Suzie Kerry Michette au harem 1926.djvu/21

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Michette sursaute. Jack, son Anglais du sleeping est à ses côtés, soupirant. Depuis qu’ils ont quitté Marseille, il la poursuit de son amour mélancolique et sensuel que le souvenir de cette unique nuit amoureuse attise passionnément. Ils se sont retrouvés ou plutôt il l’a retrouvée — car elle ne se souciait guère de sa conquête de l’avant-dernière nuit, toute chipée qu’elle était par son petit lieutenant — donc il l’a retrouvée dans la grande salle à manger du Sakavi-And, au moment où il allait attaquer son rosbif, et naturellement, dès que ses yeux eurent reconnu la passagère qui se sustentait à cinq ou six sièges en face de lui, la pudique rougeur anglaise était apparue sur son visage, tandis que ses paupières s’abaissaient. Ce fut tout. Mais dès lors, la jeune miss qui placée à ses côtés lui frôlait le genou avec insistance, tout en gardant un front d’innocence insoupçonnable et qui cherchait à ébaucher un flirt avec ce beau garçon, en fut absolument pour ses frais. Elle eût beau lui décocher ses plus « exciting » coups de coude, et lui faire comprendre qu’elle était prête à faire avec lui les choses « so horrid » que les filles d’Albion peuvent commettre avec leur flirt sans attenter à la respectability. Jack était sourd, aveugle. Car il n’avait de pensées et d’yeux que pour Michette, la jolie petite Michette qu’il voyait à quelques pas de lui, manger, sourire, bavarder, avec toute la grâce qu’il avait tant appréciée. Depuis ce moment il n’eût plus qu’une idée, la revoir, lui parler et renouer les douces relations… Oh ! so sweet ! du sleeping.

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— Oui, pourquoâ, vous, toujours abandonner quand je arrive ? répète Jack plaintivement.

— Tu me barbes, mon vieux… je te l’ai déjà dit ! s’écrie Michette, fâchée d’être dérangée de ses méditations.

— Oh ! souffle Jack qui a très bien compris…

— Pourquoâ maintenant, je barbe ?

— Quelle caboche ! Je t’ai déjà dit que je t’ai assez vu, tu m’entends ?! Ce n’est pas parce que je t’ai trouvé bien