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Page:Suzie Kerry Michette au harem 1926.djvu/4

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par la bonne Lorraine quelque cinq cents ans auparavant :

« Moi, j’ai d’autres aspirations ! Ça ne te dégoûte pas, toi de recommencer tous les soirs le même boulot aux « Ambass » avec, comme brillante perspective, l’espoir d’apprivoiser un jour la fortune sous la forme d’un vieux libidineux, chauve, avec un ventre comme une citrouille… ? Car, tu sais, faut pas se faire d’illusion, on n’est pas née pour faire des étoiles, nous deux.

— Oh ! ça non, approuva Mine.

— Alors quoi ? continua Michette, le libidineux ? Très peu pour moi… et je ne suis pas assez gourde pour rêver d’un prince charmant qui serait beau comme le jour et riche comme Crésus. Zut ! zut ! zut ! ce que c’est dur, la vie ! s’exclama-t-elle en envoyant un coup de poing dans un malheureux coussin qui n’en pouvait mais.

— Qu’est-ce que tu veux murmura Mine tristement, quand on n’a pas le rond… et qu’on veut faire la délicate…

Mais Michette, assise en tailleur au coin du divan, la tête appuyée sur ses deux poings, le sourcil froncé, semblait réfléchir profondément, et son amie, aux idées paresseuses, se tut. La nuit commençante mettait de la pénombre autour d’elles, dans la petite pièce qui, avec une salle de bain, composait tout l’appartement de Michette, et que cette dernière avait arrangé en chambre-salon : divan, petite table, fauteuils et bibliothèque. Car Michette lisait — et de bons livres, ma foi ! — mais surtout des livres de voyages, sa marotte. D’ailleurs, plus cultivée, plus spirituelle que la moyenne de ses pareilles, cette petite Michette qui, orpheline à dix-huit ans, a préféré se débrouiller toute seule à Paris plutôt que d’accepter l’abri que lui offrait dans un petit trou de province une sœur de sa mère, âgée, non mariée et confite en religion. Elle aime la vie… il faudra bien que cette dernière le lui rende un jour !

— Euréka ! j’ai trouvé ! s’écria soudain Michette en battant des mains. Écoute, ma vieille, ouvre tes oreilles et dis-moi ce que t’en penses, ordonne-t-elle à Mine. Je te l’ai déjà