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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/110

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têtes rondes des pins-parasols se dessinent toutes noires sur le ciel clair.

Naples s’éloigne et n’est plus qu’une vaste fourmilière blanche. Le Vésuve grandit, s’étale dans toute son ampleur. Le bleu couvre tout. Il n’y a qu’azur sur la mer, dans le ciel, sur la terre, et les délicates nuances des tons ne font que rendre plus suave ce concert de couleurs. Les montagnes ressemblent à la gorge d’une tourterelle ; la mer a la couleur d’une robe de soie, et dans le ciel de velours pâli, la lumière poudroie. Seul, bien loin, un groupe de barques blanches paraît une couvée de mouettes. Un vent doux vient au visage, et la barque danse. On ne pense à rien, on sent cet air caressant et tiède et on regarde l’ondoiement des petites vagues.




Ces amours ne sont pas toujours tranquilles. Avant-hier, j’ai vu descendre de wagon une fille qui avait trois larges estafilades de couteau sur les deux joues ; c’est son amant qui l’a marquée pour l’empêcher de plaire à un rival. Il arrive parfois qu’une fille ainsi balafrée épouse l’homme et l’excuse devant les juges. « C’est ma faute, il était jaloux, je l’ai provoqué. » Il paraît que leurs nerfs sont agacés par toutes les inégalités du climat, qu’ils sont improvisateurs en fait de coups de couteau comme en autre chose. Il y a beaucoup de meurtres de cette espèce, sans préméditation. La punition est de vingt ans de fers.

En toutes choses la première impression est trop forte chez eux ; la détente à peine touchée part tout d’un coup