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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/111

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avec une exagération quelquefois terrible, le plus souvent grotesque. Les marchands qui crient leurs marchandises ressemblent à des possédés. Ce matin, pendant que je déjeunais, un vendeur de brimborions a dépensé en une demi-heure assez de gestes pour défrayer pendant trois mois deux acteurs comiques. Il fourrait son bric-à-brac dans les mains des assistants, il soufflait dans ses coquilles comme dans une trompette, il soupesait ses montres d’un sou, il faisait semblant d’écouter leur tic-tac absent, il prenait une voix pleurarde et tendre pour obtenir un grano de plus ; il avait des airs d’admiration enthousiaste devant ses poupées ; il bouffonnait et se démenait autant, je crois, pour son plaisir que dans l’intérêt de son commerce ; c’est une façon de décharger le trop-plein intérieur, — Deux cochers qui se prennent de querelle ont l’air de vouloir sortir de leur peau. Une minute après, ils n’y pensent plus, — Le goût du clinquant part de la même source ; les mulets sont empanachés de pompons, les voitures ont des ornements compliqués de cuivre, le char des morts une bordure dorée ; les femmes ne peuvent pas se passer de chaînes d’or, de pauvres filles mettent par-dessus leurs guenilles un châle rouge à ramages, un foulard incarnat à fleurs ; c’est l’imagination qui pétille et fait explosion au dehors.

Aussi font-ils toutes choses vite, aisément, sans timidité ni gêne. Mon cocher de Castellamare était orateur ; la seule difficulté était de le faire taire. Une femme du peuple vous tient des discours, vous donne des conseils, corrige votre prononciation ; elle est familière et ne se sent pas inférieure. Parfois des démonstrations de respect, mais point de respect ; cette sorte de caractère