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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/137

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rière l’église Santa-Maria sopra Minerva. « Je retiendrai ce nom ; par où faut-il passer ? — Vous savez que nous n’aurons pas le pape aujourd’hui, il est souffrant. — Moi, je suis logé via del Babbuino à cinq francs par jour, le déjeuner compris ; mais le vin est faible. — Les singuliers Suisses coloriés et bigarrés ! On dirait des figurants d’opéra. — Celui qui vient d’arriver, c’est le cardinal Panebianco, un moine tout gris ; à la première vacance, il sera papabile. — Moi, je n’aime pas l’agneau, on ne peut pas avoir ici de vrai gigot. — Vous allez entendre Mustapha le soprano, un homme admirable. — Est-ce qu’il est Turc ? — Ni Turc ni homme. — Monsignor Landriani, une belle tête, mais un âne de première qualité. — Les Suisses sont du seizième siècle, regardez leur fraise, leur plumet blanc, leur hallebarde, les raies rouges, jaunes et noires de leur justaucorps ; on dit que le costume a été dessiné par Michel-Ange. — Michel-Ange a donc tout fait ici ? — Tout ce qu’il y a de meilleur. — Alors il aurait bien dû améliorer le gigot. — Vous vous y habituerez. — Pas plus qu’au vin, et les jambes commencent à me rentrer dans le corps. »

L’office est une belle cérémonie ; les chapes damasquinées luisent à chaque mouvement ; l’évêque et ses acolytes sont de haute taille, noblement drapés ; ils font et défont leurs files avec les attitudes les plus graves et les mieux choisies. Cependant un à un les cardinaux se sont avancés la calotte rouge sur la tête ; deux caudataires portent leur queue violette ; ils s’asseyent, et chacun d’eux a ses caudataires à ses pieds. Beaucoup de têtes sont creusées et profondément expressives, surtout parmi les moines ; mais nulle ne l’est plus que celle du prélat officiant : maigre, noir, les deux yeux enfoncés, le front saillant et