Aller au contenu

Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

superbe, il s’assied comme un dieu égyptien, immobile sous sa haute mitre blanche, dans les plis chatoyants de son étole. — Un général des théatins, en robe brune et casaque blanche, a prononcé un sermon latin, bien accentué, accompagné d’excellents gestes, sans cris ni monotonie. — Ç’aurait été un sujet d’estampe pour Sébastien Leclerc.

Musique vocale : ce sont d’affreux braillements ; il semble que les intervalles étranges, inouïs, aient été accumulés à plaisir. On démêle bien des modulations tristes et originales, mais l’harmonie est brutale, et il y a des coups de gosier de chantre ivre. Ou je n’ai plus d’oreille, ou les notes fausses abondent ; les voix hautes ne sont qu’un glapissement ; le gros chantre du milieu beugle ; on le voit dans sa cage qui sue et se travaille. Il y a eu après le sermon un beau chant d’un style élevé et sévère ; mais quelles désagréables voix, celles du haut aigres, celles du bas aboyantes !

La sortie est curieuse : on voit au bout de la colonnade chaque cardinal monter en carrosse ; trois laquais sont empilés derrière ; le parapluie rouge posé sur la caisse indique aux soldats qu’ils doivent présenter les armes. La procession des personnages lointains sous les arcades, les Suisses bariolés, les femmes en noir et voilées, les groupes qui se font et se défont sur les escaliers, les fontaines jaillissantes qu’on aperçoit entre les colonnes, forment un tableau, chose inconnue à Paris ; la scène a une ordonnance, un cadre, un effet. On reconnaît les vieilles gravures.

À force d’errer dans les rues, à pied ou en voiture, on finit par trouver ceci qui surnage au milieu de tant d’impressions : Rome est sale et triste, mais non com-