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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/157

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que vert ; ce vert imperceptible est semblable à celui des pierres précieuses et des eaux de source, mais plus fin encore. Il n’y avait dans cette longue avenue rien que de curieux ou de beau : des arcs de triomphe à demi enterrés, posés en travers les uns des autres, des restes de colonnes tombées, des fûts énormes, des chapiteaux sur le bord de la route ; sur la gauche, les voûtes colossales de la basilique de Constantin parsemées de plantes vertes pendantes : de l’autre côté, les ruines des palais des Césars, vaste entassement de briques roussies que des arbres couronnent, Saint-Côme avec un portail de colonnes dégradées, Santa-Francesca avec son élégant campanile ; au haut de l’horizon une rangée noirâtre de fins cyprès ; plus loin encore, pareilles à un môle en débris, les arcades croulantes du temple de Vénus, et à l’extrémité, pour fermer la voie, le gigantesque Colisée doré d’une lumière riante.

Sur toutes ces grandes choses, la vie moderne s’est nichée comme un champignon sur un chêne mort. Des balustrades de perches à demi dégrossies comme celles d’une fête de village entourent la fosse d’où s’élèvent les colonnes déterrées de Jupiter Stator. L’herbe pousse sur les pentes éboulées. Des polissons déguenillés jouent au palet avec des pierres. De vieilles femmes avec des enfants crasseux se chauffent au soleil parmi les ordures. Des moines blancs ou bruns passent, puis des écoliers en chapeau noir conduits par un ecclésiastique rogue. Une fabrique de lits en fer tinte et résonne auprès de la basilique. Vous lisez à l’entrée du Colisée une oraison à la Vierge qui procure cent jours d’indulgence ; et cette oraison la traite comme une déesse indépendante. Cependant vous découvrez encore de grands traits de