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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/201

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figures en grisaille pâle, véritables déesses d’une grandeur et d’une simplicité sublimes, parentes des antiques, avec une expression de douceur et de bonté que n’ont point les Junons et les Minerves, exemptes de pensées comme leurs sœurs grecques, occupées dans leur sérénité inaltérable à tourner la tête ou à lever un bras. C’est dans ces sortes de personnages idéaux et allégoriques qu’il triomphe. Sur le plafond, la Philosophie, si forte et si sérieuse, la Jurisprudence, vierge austère qui, les yeux baissés, lève une épée, surtout la Poésie, surtout les trois déesses assises en face du Parnasse, et qui, se tournant à demi, forment avec trois enfants un groupe digne du vieil Olympe, sont des ligures incomparables et au-dessus de l’homme. Comme les Anciens, il supprime l’accident, l’expression fugitive de la physionomie humaine, toutes les particularités qui annoncent un être ballotté et froissé par les hasards et le combat de la vie. Ses personnages sont affranchis des lois de la nature ; ils n’ont jamais souffert, ils ne peuvent pas être troublés ; leurs attitudes si calmes sont celles des statues. On n’oserait leur parler, on est pénétré de respect, et cependant ce respect est mêlé de tendresse, car on aperçoit sous leur gravité un fond de bonté et de sensibilité féminines. Raphaël leur donne son âme ; même parfois, par exemple dans les Muses du Parnasse plusieurs jeunes femmes, entre autres celle dont on voit l’épaule nue, ont une suavité pénétrante, une douceur presque moderne. Il les a aimées.

Tout cela éclate plus visiblement encore dans l’École d’Athènes. Ces groupes sur cet escalier, au-dessous et autour des deux philosophes, n’ont jamais existé ni pu