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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/214

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front, au bord des tempes. On voit de la chemise sortir le sein et la cuisse. Dans cette vague rougeur vineuse, sur ces fonds de feuille morte, noyés, effacés, toute la chair pénétrée d’une lumière intérieure soulève ses rondeurs et sa pulpe avec un frémissement qui semble une caresse.

Le tableau le plus regardé est une Lucrèce avec Sextus, de Cagnacci, un peintre de je ne sais quelle époque, mais certainement tardif ; on le devine au sujet dramatique et traité en vue de l’effet dramatique. Nue sur des draps blancs et des draperies rouges, renversée, la tête plus bas que les seins, elle se débat, repoussant de la main la poitrine du misérable. Ce pauvre corps de femme délicat et charmant, écrasé sous la violence physique, fait pitié. Les moindres détails sont touchants : il y a dans ses cheveux ondes des perles blanches qui se dénouent. Lui cependant, en justaucorps bleu rayé d’or, semble un ruffian du temps, quelque Osio assassin et grand seigneur comme celui dont le procès de Virginie de Leyva nous a montré la belle prestance, les bonnes façons et les assassinats. Sous un grand portique blanc, l’esclave attend, tenant l’épée de son maître. On faisait des expéditions semblables dans le couvent de Monza près de Milan, au commencement du dix-septième siècle.



La Sixtine, le seizième siècle.


Te souviens-tu de la visite que nous avons faite l’an dernier à l’École des Beaux-Arts avec Louis B…, homme d’esprit, cultivé, lettré, s’il y en a, pour voir la