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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/220

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Aldobrandi venait d’être tué, « jeta un si grand cri de rage qu’on eût pu l’entendre à dix milles de là ; puis il dit à Giovanni : « Au moins saurais-tu m’indiquer celui qui me l’a tué ? » Giovanni lui répondit que oui, et que c’était un de ceux qui étaient armés d’un espadon, et qu’il avait une plume bleue sur sa barrette. Mon pauvre frère, s’étant avancé et ayant reconnu le meurtrier à ce signalement, se lança au milieu du guet avec sa promptitude et son intrépidité merveilleuses ; puis, sans qu’on pût l’arrêter, il allongea une botte dans le ventre de son homme, le traversa de part en part et le poussa en terre avec la garde de son épée. » Presque aussitôt il est lui-même jeté bas d’un coup d’arquebuse, et l’on voit alors se déchaîner toute la furie des vendette. Cellini ne peut plus ni manger ni dormir, et la tempête intérieure est si forte qu’il croit qu’il mourra, s’il n’y cède… « Je me disposai un soir à sortir de ce tourment, sans tenir compte de ce qu’une pareille entreprise avait de peu louable… Je m’approchai adroitement du meurtrier avec un grand poignard semblable à un couteau de chasse. J’espérais d’un revers lui abattre la tête ; mais il se retourna si vivement, que mon arme l’atteignit seulement à la pointe de l’épaule gauche et lui fracassa l’os. Il se leva, laissa tomber son épée, et, troublé par la douleur, se mit à courir. Je le poursuivis, le rejoignis en quatre pas, et levai mon poignard au-dessus de sa tête, qu’il inclinait très-bas, de sorte que mon arme s’engagea entre l’os du cou et la nuque si profondément que malgré tous mes efforts je ne pus la retirer. » — Un peu plus tard, et toujours sur la voie publique, Cellini tue Benedetto, puis Pompeio, qui l’avaient offensé. Le cardinal Médicis et le cardinal Cor-