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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/254

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Villa Ludovisi.


Toutes ces villas ont leur collection d’antiques. Celle de la villa Ludovisi est une des plus belles ; on a bâti exprès un pavillon pour la loger. Depuis Laurent de Médicis, la possession des antiquités est ici un luxe obligé, un complément de toute grande vie aristocratique. Aussi bien, à regarder les choses de près, on apercevrait dans toute l’histoire de la Rome moderne le souvenir et comme la continuation de la Rome antique ; le pape est une sorte de césar spirituel, et sur beaucoup de points les peuples qui vivent au delà des Alpes leur paraissent toujours des barbares. Nous n’avons pu que renouer la chaîne de la tradition ; chez eux, cette chaîne ne s’est pas rompue. — J’ai des notes sur toute cette galerie, mais je ne veux pas t’accabler de notes…

Une tête de Junon reine d’une grandeur et d’un sérieux tout à fait sublimes. Je ne crois pas qu’il y ait rien de supérieur à Rome.

Je note encore ici un Mars assis, croisant les mains sur les genoux ; un Mercure nu. Mais je ne pourrais que répéter ce que je t’ai écrit sur cette sculpture ; ce que l’on sent pour la vingtième fois, c’est la sérénité d’une belle vie complète, équilibrée, où la cervelle, avec ses agitations et ses lectures, n’opprimait pas le reste. On a beau admirer Michel-Ange, l’aimer de toutes ses sympathies, comme une tragédie héroïque et colossale, on se dit parfois que ce calme extraordinaire est encore plus beau, parce qu’il est plus sain. Le torse du Mercure n’a presque pas d’ondulation, on voit seulement la ligne du