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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/257

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Sur une courbure de la voûte dort une femme assise, vêtue de gris, la tête appuyée sur sa main ; près d’elle, un enfant nu est couché sur un linge et dort aussi. Ce sommeil est d’une vérité admirable ; la profondeur de l’engourdissement où le sommeil plonge les enfants se marque dans la petite moue des lèvres, dans le froncement léger des sourcils. Guerchin ne copiait pas des antiques comme le Guide ; il étudiait le modèle vivant comme le Caravage ; il observait les particularités de la vie réelle, les mines, les gaietés, les mutineries, tout ce qu’il y a de capricieux dans la passion et l’expression d’un visage. Ses personnages sont parfois lourds et courts ; mais ils vivent, et le mélange de lumière et de clair-obscur sur le corps des deux dormeurs est la poésie du sommeil lui-même.


Les palais.


Ces villas, ces jardins, les palais qui remplissent le Corso sont les restes de la grande vie aristocratique. Il n’y a plus rien de semblable à Paris ni à Londres ; les parcs privés y sont devenus des promenades publiques : il ne reste aux grandes familles que des hôtels, plus souvent des maisons munies d’un petit morceau de terrain, où le maître du logis ne se promène que sous les regards des maisons voisines. Tandis que dans les pays du Nord l’égalité s’établissait, l’aristocratie ici s’affermissait et se renouvelait par le népotisme. Pendant trois siècles, les papes ont employé la meilleure partie des revenus publics à fonder des familles ; ils étaient bons parents, et pourvoyaient les enfants de leurs sœurs