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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/259

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seizième siècle, les intérêts de la dette absorbaient les trois quarts du revenu ; six ans plus tard, elle absorbait tout, excepté soixante-dix mille écus ; quelques années après, plusieurs branches du revenu ne suffisaient plus pour payer les assignations dont on les avait grevées. Néanmoins la commission déclara que le pape, étant prince, pouvait donner à qui bon lui semblait ses épargnes et ses excédants. Personne alors ne considérait le souverain comme un magistrat administrateur des deniers publics ; une pareille idée ne s’est établie en Europe qu’après Locke : l’État était une propriété dont on pouvait user et abuser. La commission déclara que le pape pouvait en conscience fonder pour sa famille un majorât de quatre-vingt mille écus. Quand, un peu plus tard, Alexandre VII voulut fermer la plaie, on lui prouva par bons et valables arguments qu’il avait tort. Il avait défendu à ses neveux l’entrée de Rome ; le recteur du collège des jésuites, Oliva, décida qu’il devait les appeler « sous peine de péché mortel ». Il y a plaisir à voir dans les contemporains[1] comment l’argent coule, déborde, descend à chaque pape dans un nouveau réservoir, et s’y étale magnifiquement en flots dorés, en nappes reluisantes, où les sequins, les écus, les ducats, font étinceler leurs précieuses effigies. À l’instant, comme aux environs d’un canal rafraîchissant, le lecteur voit pousser les plus belles fleurs aristocratiques, toutes les somptuosités que représentent les tableaux et les estampes, gentilshommes en habit de velours et de satin, estafiers chamarrés, suisses et laquais, majordomes ventrus, officiers de bouche, de table et d’écurie, une

  1. Cités par Ranke, Geschichte der Pæpste.