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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/26

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platifs, en épicuriens ; ils se laissent vivre ; ils récréent leurs sens par le spectacle des belles choses et la conversation oiseuse ; ils laissent le travail aux lourdauds. À l’embarcadère, il a fallu cinq quarts d’heure pour enregistrer vingt-cinq malles. Sur six hommes employés, deux travaillaient, les quatre autres délibéraient et regardaient ; pour les faire aller, il fallait se mettre en colère. Aucun ordre ; une malle passait d’autant plus vite que les propriétaires avaient crié bestia d’une voix plus rude. Plus la nature est belle et bonne, moins l’homme est obligé d’être actif et soigneux. Le Hollandais, le paysan de la Forêt-Noire seraient trop malheureux, si leur intérieur n’était pas agréable et propre. Ici le travail et la discipline sont superflus, la nature se charge de fournir le bien-être et la beauté.



De Civita-Vecchia à Rome.


On longe la mer, qui s’étend à l’infini, toute plate, d’un bleu terne, avec un faible roulement monotone ; on ne cesse pas de la voir à droite, pendant des lieues, bordant le sable d’une grosse frange toute blanche. Sur la campagne plane toujours le grand voile de brume tiède.

À gauche, les collines se suivent, montant, s’abaissant, avec d’aimables teintes d’un vert effacé et comme amorti. Elles n’ont point de vrais arbres, mais des genêts, des genévriers, des lentisques, des ajoncs, d’autres arbres encore à feuilles tenaces. Tout cela est désert ; à peine si dans tout le trajet, de loin en loin, au bord d’un creux, on aperçoit une ferme. Des ruisseaux