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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/343

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ment l’idée de la justice ; il est trop fort, trop violent, trop imaginatif, pour accepter ou s’imposer un frein ; quand il se croit en guerre, il ne limite pas son droit de guerre. Il y a six jours, une bombe fit explosion chez le principal libraire papal ; le parti avancé veut ainsi faire preuve d’énergie en Europe, et croit effrayer ses ennemis ; ils admettent, comme Orsini, la souveraineté du but ; on sait comment ils ont assassiné Rossi. Les peuples d’au delà des monts ont là-dessus des sentiments qui manquent aux Romains.



23 mars. La noblesse.


Quant à l’aristocratie, on la dit bête. On passe en revue devant moi les principales familles : plusieurs ont voyagé, sont passablement instruits, ne sont pas méchants ; mais, par une particularité singulière qui tient sans doute au nombre trop petit des croisements, à la stagnation du sang toujours enfermé dans les mêmes veines, presque tous ont l’esprit foncièrement obtus et borné : on peut regarder leurs portraits dans la jolie comédie du comte Giraud, l’Ajo nel imbarrazzo ; le prince Lello, dans la Tolla de M. Edmond About, est pris sur le vif, et ses lettres ridicules sont authentiques. — Je réponds que je connais quatre ou cinq nobles ou grands seigneurs romains, tous parfaitement bien élevés et aimables, quelques-uns érudits ou cultivés, l’un entre autres prévenant comme un journaliste, savant comme un académicien, outre cela artiste et philosophe, si fin, si fécond en mots piquants et en idées de toute sorte qu’il défrayerait à lui seul la conversation du plus bril-