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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/362

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térieur est terrible, et la détente est subite. Les idées modernes d’humanité, de modération, de justice, ne se sont point insinuées en eux pour amortir les chocs ou diriger les coups. Ils sont demeurés tels qu’au moyen âge.

Le gouvernement n’a jamais songé à les civiliser, il ne leur demande que l’impôt et un billet de confession ; pour le reste, il les abandonne à eux-mêmes, et de plus leur étale en exemple le régime de la faveur. Comment auraient-ils l’idée de l’équité, quand ils voient la protection toute-puissante contre les droits privés ou l’intérêt public ? Là-dessus ils ont un proverbe cru que j’adoucis : « La beauté d’une femme a plus de force que cent buffles. » Il y avait près du village de N… une forêt utile au pays et que l’on commençait à jeter bas ; un monsignor avait la main dans les bénéfices, toutes les réclamations de notre ami ont été vaines. — La vue des criminels graciés et des coquineries administratives leur montre le gouvernement comme un être fort qu’il faut se concilier, et la société comme un combat où il faut se défendre. D’autre part, en fait de religion, leur imagination italienne ne comprend que les rites ; les pouvoirs célestes comme les pouvoirs civils sont pour eux des personnages redoutables dont on évite la colère par des génuflexions et des offrandes, rien de plus. En passant devant un crucifix, ils se signent et marmottent une prière ; à vingt pas de là, quand le Christ ne les voit plus, ils se remettent à blasphémer. Avec une pareille éducation, on juge s’ils ont le sentiment de l’honneur, et si en matière de serment, par exemple, ils se croient astreints à quelque devoir. Les Indiens de l’Amérique se font une gloire de