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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/377

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non d’une situation momentanée, mais de l’essence même des institutions et du caractère. Le gouvernement temporel entre les mains ecclésiastiques ne peut pas être autre ; il arrive au despotisme doux, minutieux, inerte, décent, monacal, invincible, comme une plante aboutit à sa fleur.



24 mars. La religion.


Je lis tous les matins avec un vif plaisir l’Unità cattolica ; c’est un journal instructif, on y voit clairement les sentiments qu’on appelle religieux et catholiques en Italie.

Une gazette libérale proposait aux dames italiennes d’envoyer leurs bagues à Garibaldi pour le jour de sa fête ; quel outrage pour saint Joseph, qui a le malheur d’être le patron de ce bandit ! Par compensation, l’Unità demande aux dames leurs bagues pour le pape, car le pape est le chef de l’Église, et l’Église représente mystiquement un caractère qui doit être très-cher aux femmes, la maternité ; cet argument est irrésistible. — Un autre journal appelle le pape « le grand mendiant » (il gran mendico). — Depuis un mois, je lis la liste des donations inscrites en tête de la première page. Il y en a beaucoup ; on estime que le pape reçoit deux millions de piastres chaque année par cette voie. Ordinairement c’est pour une grâce reçue ou attendue, non pas seulement spirituelle, mais temporelle ; les donateurs, en envoyant leur offrande, réclament la bénédiction du saint-père « pour une affaire importante[1] ».

  1. 23 mars. « La marquise Giulia *** offre au saint-père un anneau d’or avec un ex-voto pour obtenir de saint Joseph une grâce spéciale. »