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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/378

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On s’aperçoit qu’il est considéré comme un personnage influent, une sorte de premier ministre dans la cour de Dieu. Souvent même la hiérarchie est marquée nettement ; le suppliant se recommande d’abord à Jésus-Christ auprès de Dieu le Père, puis à la Vierge ou à tel autre saint auprès de Jésus-Christ, puis enfin au pape auprès des saints, de la Vierge et de Jésus-Christ. Ce sont les trois degrés de la juridiction céleste ; le pape leur semble un délégué des souverains de l’autre monde, chargé de gouverner celui-ci, muni de pleins pouvoirs ; les communications doivent se faire par son entremise ; il apostille les demandes. L’Italien dévot garde encore les idées que Luther, il y a trois siècles, trouva régnantes : il précise et humanise toutes les conceptions religieuses ; à ses yeux Dieu est un roi, et dans toute monarchie on arrive au prince par les ministres, surtout par les parents, les familiers, les domestiques.

Par suite, l’importance de la Vierge devient énorme[1].

    26 mars. « Un fils qui prie pour la guérison de sa mère offre au saint-père 10 francs et 10 autres francs à la madone de Spolète pour obtenir la grâce demandée. »

  1. Saint Liguori, édit. des bénédictins de Solesmes, 1834, tome I, p. 495 :

    « Savez-vous comment les choses se passent dans le ciel ? La sainte Vierge se place devant son divin Fils, et lui montre son sein où il resta enfermé pendant neuf mois, et ses mamelles sacrées auxquelles tant de fois elle l’allaita. Le Fils se place devant son Père tout-puissant, et lui montre son côté ouvert et les plaies sacrées qu’il reçut pour nous. À la vue des deux gages de l’amour de son Fils, Dieu ne peut lui refuser et nous obtenons tout. »

    Saint Liguori est le casuiste le plus accrédité des temps modernes ; en outre, il a écrit divers traités de spiritualité. Je prie le lecteur de lire son Règlement de la vie d’un chrétien, ses Poésies spirituelles, ses gloires de Marie, et sa théologie dogmatique, chapitres De Matrimonio et De Restitutione, lib. III, dubium vi, articulus iv.