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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/56

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au sommet des portiques des statues demi-nues de beaux jeunes saints, une sainte finement drapée. Le christianisme devient pittoresque et aimable, il réjouit les yeux, il met l’âme dans une attitude riante et noble. Au bout de la galerie s’ouvrent des balcons sur la mer. De là paraît Naples, immensément étalée et prolongée jusqu’au Vésuve par une traînée de maisons blanches, autour du golfe la côte qui se courbe, embrassant la mer toute bleue, et au delà le miroitement d’or, le fourmillement lumineux des flots sous le soleil, qui a l’air d’une lampe suspendue dans la rondeur concave du ciel.

Au-dessous descend une longue pente d’oliviers d’un vert terne ; ce sont les jardins du couvent. Des allées ombragées de treilles s’allongent partout où le sol a pu être de niveau. Des plates-formes avec de grands arbres solitaires, des bâtisses massives qui enfoncent leurs assises dans le roc, une colonnade en ruine, en face le golfe entier, les petites voiles des navires, le Monte-San-Angelo, le Vésuve qui fume : le couvent est un petit monde fermé, mais complet, et combien de beautés dans son enceinte ! On est transporté a cent lieues de notre petite vie étriquée et bourgeoise. Ils vont tête nue, dans un froc brun ou blanc, avec de gros souliers ; mais la beauté les entoure, et je n’ai pas vu de palais de prince qui laisse une impression si noble. Le petit confort manque, et à cause de cela tout le reste est relevé.

J’ai vu dernièrement une des plus riches et des plus élégantes maisons modernes, située comme celle-ci en face de la mer. Le maître est un homme de goût qui a gagné des millions, et qui jette l’argent. Tout est ver-