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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/57

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nissé, et il n’y a rien de grand ; pas une colonnade, pas une haute salle d’apparat ; qu’en ferait-on ? Cela est agréable à habiter ; mais il n’y a pas un coin, ni au dehors, ni au dedans, qu’un peintre eût envie de copier. Chaque objet pris en soi est une merveille de raffinement et de commodité ; il y a six boutons de sonnettes auprès du lit ; les stores sont admirables ; rien de plus doux que les fauteuils. On aperçoit, comme dans les maisons anglaises, quantité de petits ustensiles qui pourvoiront à de petits besoins. L’architecte et le tapissier ont raisonné sur les meilleurs moyens d’éviter le chaud, le froid et le trop grand jour, de se laver, de cracher, mais ils n’ont point raisonné sur autre chose. Les seuls objets d’art sont quelques tableaux de Watteau et de Boucher. Encore font-ils disparate : ils rappellent un autre âge. Est-ce qu’il subsiste encore chez nous quelque reste du dix-huitième siècle ? Est-ce que nous avons de vraies antichambres et la splendide parade de la vie aristocratique ? Tant de laquais nous ennuieraient ; si nous gardons des courtisans, c’est dans nos bureaux ; nous ne voulons chez nous qu’un bon fauteuil moelleux, des cigares choisis, un dîner fin, et, tout au plus pour les jours de représentation, l’étalage d’un luxe neuf qui nous fasse honneur. Nous ne savons plus prendre la vie en grand, sortir de nous-mêmes ; nous nous cantonnons dans un petit bien-être personnel, dans une petite œuvre viagère. Ici on réduisait le vivre et le couvert au simple nécessaire. Ainsi dégagée, l’âme, comme les yeux, pouvait contempler les vastes horizons, tout ce qui s’étend et dure au delà de l’homme.

Un moine jaune, aux yeux brillants, l’air prudent et concentré, nous a conduits dans l’église. Il n’y a pas