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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/442

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S’ils veulent éviter la fatale destruction de l’un d’eux - ou plutôt de tous moins un - il reste aux rivaux industriels ou militaires, un moyen, un seul : c’est de s’associer. Par l’association, par la fédération, les contraires deviennent complémentaires, les concurrents collaborateurs, les voici co-adaptés à une fin commune, comme les rouages d’une même machine. Aussi est-il permis de considérer chaque progrès nouveau dans la voie de l’association, c’est-à-dire chaque union nouvelle des travaux (ce qu’on appelle la division du travail, sa différenciation) comme l’équivalent d’une invention[1]. L’essentiel d’une invention est de faire s’utiliser réciproquement des moyens d’action qui auparavant paraissaient étrangers ou opposés ; elle est une association de forces substituée à une opposition ou à une stérile juxtaposition de forces. D’autre part, toute invention, en créant un nouvel emploi des produits connus, établit des liens nouveaux de solidarité, une société consciente, ou inconsciente, entre les producteurs, souvent très distants, de ces articles. L’invention en somme, c’est le nom social de l’adaptation. Socialement, les deux mots sont synonymes. Et, dans les inventions mécaniques par exemple, nous voyons clairement le véritable rôle de l’opposition, essentiellement subordonné. En effet, en toute machine, comme Reulaux l’a montré fort bien, il y a deux pièces corrélatives, et, en un sens, opposées l’une à l’autre, qui, en se contrariant, se dirigent : la vis et l’écrou, le point d’appui et le levier, etc. ; mais nous savons que cette neutralisation réciproque de mouvements contraires

  1. Logique sociale, pp. 379 et suivantes. — Voir aussi le Traité d‘économie politique de M. Paul Leroy-Beaulieu, t. IV, p. 727.