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Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/443

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n’est voulue qu’en vue d’un mouvement unique et commun auquel ils sont adaptés.

N’oublions pas cependant que la plus grande partie, la presque totalité des choses différentes ne sont ni complémentaires ni contraires, que la variation, autrement dit, excède immensément l’adaptation et l’opposition. Faut-il regarder ces différents inutilisés comme ayant pour seule raison d’être la propriété cachée d’être utilisables peut-être dans l’avenir, dans des conditions inconnues ? Ou, à l’inverse, regarderons-nous les contraires et les complémentaires, l’opposition et l’adaptation, la guerre et l’invention, comme servant, avant tout, à la production de cette exubérance luxueuse de la vie ? Ce problème revient à se demander, au fond, ce qu’en termes prudhommesques on s’est demandé si souvent : à savoir si l’ordre est pour la liberté ou la liberté pour l’ordre. Or cet amour de la liberté pour la liberté elle-même, qui a été si sincère en tout temps, qui si réel et si profond chez les plus élevés de nos contemporains, n’est pas sans affinité intime avec l’amour de la nature, passion non moins vive et non moins étrange en apparence, qui a poussé au désert, aux champs, aux bois, loin des villes bien policées, parmi des animaux errants et sans lien, parmi des plantes sauvages ensemencées au hasard des vents, tant d’ascètes, tant de penseurs, tant d’âmes saintes et harmonieuses, les plus sociables peut-être et les mieux coordonnées intérieurement de toutes les âmes humaines. Ce goût de l’éparpillement sauvage et désordonné des éléments et des êtres, ce charme trouve au désordre tranquille, à la paisible anarchie, qu’on est convenu d’appeler « la nature », serait